Un tourisme sans animaux
Quel zoo pour demain ?
Grands classiques des sorties familiales, les zoos français accueillent chaque année un peu plus de 20 millions de visiteurs. Du jamais vu alors que parallèlement, la biodiversité mondiale s’effondre et que la défense de la cause animale, notamment celle du bien-être des animaux captifs, ne cesse de progresser. On remet même en cause leur captivité. Quant à la survie de ces institutions cumulant un rôle de conservation, un rôle éducatif et un rôle récréatif, elle est par la même occasion sur la sellette. Crise existentielle ou stigmate de notre prise de conscience des enjeux environnementaux en général ? Le débat est largement ouvert.
État des lieux
Le terme de « zoo » est à la fois clair et très imprécis car il recouvre un éventail extrêmement large d’établissements de tailles et de concepts différents ayant comme point commun la présentation de la faune sauvage au public dans un milieu captif, terrestre ou aquatique (aquariums, parcs marins). Autre problème d’ordre sémantique, le mot même de zoo est aujourd’hui victime d’un glissement vers les termes de parc, parc animalier, bioparc, réserve etc.
De plus, si le « zoo » évoque le modèle classique de l’établissement urbain, son image, tenace, est loin de la réalité. La majorité des parcs sont aujourd’hui de grands jardins paysagers installés dans un cadre rural. Au cours des années 1990 en effet, le virage a été pris, grâce à la professionnalisation du secteur et la mise en réseau des acteurs, permettant de créer des synergies dans la gestion des actions de conservation ex situ (en parcs) et in situ (sur le terrain). Les notions de bien-être animal, d’enrichissement, de pédagogie et de scénographie ont alors rejoint les règles de conception et d’exploitation des parcs zoologiques.
Mais, le cadre réglementaire en France est le même pour tous, et la profession est organisée au niveau national, européen et mondial autour des mêmes principes.
Enfin, depuis le début des années 2010 une nouvelle notion s’est imposée comme incontournable de l’avenir des parcs : la notion d’expérience visiteur, qui peut se traduire par des activités participatives comme « soigneur » d’un jour, ou encore la possibilité de dormir en immersion avec animaux.
Vision 2040
D’après les études scientifiques, la planète a perdu près de 65% de l’ensemble des êtres vivants (hors humanité) depuis 1970, sur terre et dans les mers. Ce chiffre est tout bonnement effrayant. Malheureusement, rien ou presque ne vient freiner cette catastrophe. Que restera-t-il dans 20 ans ? Sera-t-il encore possible de voir des animaux dans la nature ? Les réserves naturelles seront-elles mises sous cloche pour que la biodiversité y survive, protégée des actions des hommes ? Les zoos seront-ils des arches de Noé pour sauvegarder le patrimoine génétique des survivants ? Ou bien seront-ils devenus des parcs d’attraction dont le thème sera une nature fantasmée, disparue… ?
Cette vision bien pessimiste est malheureusement un scénario possible. Il n’aura pas été créé par la volonté des zoos eux-mêmes, mais par l’évolution de notre civilisation. Les zoos seront alors les stigmates de notre échec collectif, n’étant capables d’offrir qu’une pâle copie, artificielle et stérile, d’une nature disparue.
Nous préférons parier sur un autre scénario, dans lequel les zoos, dans leurs diversités de formes, de tailles et de spécialités, assurent pleinement leurs missions de pédagogie, de divertissement, de recherche et de conservation.
Les zoos, par essence, ne maltraitent pas la nature. Ils sont le reflet de notre culture, de notre relation à la nature. Autrement dit : « montre-moi ton zoo et je te dirai qui tu es ». Le zoo de 2040 en dira beaucoup sur la capacité de la génération actuelle à modifier notre relation à l’environnement.
Débats et controverses
Alors que les zoos multiplient les succès de reproduction d’espèces menacées, participent de manière de plus en plus active à des actions de conservation, diffusent largement les connaissances sur les animaux et leurs milieux de vie (y compris dans de multiples émissions de télévision) et se font les caisses de résonnance des enjeux environnementaux, en parallèle les exigences de la société civile et du grand public évoluent.
Peut-on interdire les zoos ? Le cadre réglementaire concernant la faune sauvage en captivité se durcit (cirques, spectacles itinérants, delphinariums…). Autant de décisions qui semblent à première vue aller dans le sens de la cause animale, mais qui interpellent quant à leur finalité : est-ce un ajustement nécessaire, ou bien le début d’une lame de fond qui conduirait à l’interdiction des parcs zoologiques ?
Nous prenons le parti qu’il s’agit d’une remise en cause vertueuse, qui permet, en posant les bonnes questions, de faire évoluer la profession en harmonie avec les attentes de notre société.
Les zoos sont-ils des Arches de Noé ? Les établissements (zoos et éleveurs) ont permis de sauver, indiscutablement, plusieurs dizaines d’espèces de l’extinction ! Toutefois, il n’y a pas de quoi se réjouir : ces efforts et succès ne sont qu’une goutte d’eau à l’échelle des enjeux. Les zoos ne sont pas, ne peuvent pas être, ne veulent pas être l’Arche de Noé dans laquelle on conserverait un petit nombre d’animaux en attendant des jours meilleurs. Les professionnels du secteur sont en revanche des acteurs, parmi d’autres, de la conservation, avec une diversité d’actions : gestion de patrimoine génétique, réintroduction, collecte et diffusion de connaissances, levées de fonds pour les actions in situ, porte-paroles ou ambassadeurs du monde sauvage…
Les zoos exploitent-ils les animaux ? Non. Mais, ils répondent au besoin des humains de vivre proches d’autres espèces animales. Cela a pris diverses formes au cours des siècles, depuis la domestication du loup il y a 15 000 ans, avec une accélération liée aux voyages d’où l’on ramenait des espèces exotiques comme trophées ou témoignages de terres inconnues. Répondre à ce besoin aujourd’hui, par la présentation d’animaux en captivité, doit nécessairement se faire dans un cadre « éclairé » par nos connaissances sur les exigences des animaux sur les plans physique, alimentaire, éthologique, social, psychologique etc.
La dimension commerciale de l’exploitation est un faux débat puisque certains zoos sont publics et gratuits, en revanche il faut bien assurer la pérennité économique des établissements. Par analogie, il ne viendrait à l’idée de personne que d’exiger des restaurants qu’ils soient gratuits sous prétexte de répondre au besoin vital alimentaire des humains !
En revanche, il est incontestable que certains concepts et établissements profitent de l’attente du public pour avoir une activité lucrative sans respect pour les animaux. L’État a posé un cadre de surveillance et doit s’assurer qu’il est respecté. La profession doit également s’autodiscipliner pour empêcher les dérives individuelles ou collectives. La conscience environnementale est-elle compatible avec la visite de parcs zoologiques ?
Il ne faut pas en douter. Dans leur immense majorité, les établissements zoologiques sont motivés par la volonté d’informer et de sensibiliser leurs visiteurs aux enjeux environnementaux. La question du cadre de vie des animaux et de leur bien-être en captivité est en perpétuelle évolution. Les exigences exprimées aujourd’hui par la société civile sont légitimes et vertueuses dès lors qu’elles poussent les zoos à toujours améliorer ce cadre.
Shaping tomorrow’s tourism
Les trois mots clés du parc zoologique (ou animalier) de demain sont « reconnexion », « responsabilité » et « holistique ». Nous avons, en tant qu’espèce, besoin du contact avec la nature, et cela de manière globale.
Le zoo de demain sera un acteur de la conservation, aux échelles locales et internationales, et s’attachera à proposer une reconnexion sincère, dans une approche holistique où l’animal, son milieu de vie et l’humain seront considérés comme des parties interconnectées d’un même écosystème.
Préserver le tourisme insulaire
Après la massification puis la diversification, irons-nous vers plus de protection des îles ?