Préserver le tourisme insulaire

Utopia, Tanna, Neverland, Elbe, Lilliput, Grenadines, Antirhodos, Okinawa, Fidji, Atlantide, Trobriand… qu’elles soient réelles ou fantasmées, englouties ou fantômes, les îles sont des réservoirs de mythes qui nourrissent les imaginaires occidentaux depuis l’Antiquité, invitant au voyage entre le merveilleux et l’horrible. Or depuis la vague Tiki qui déferle d’Hawaï sur les Etats-Unis dès les années 1950 et sa réinterprétation par le Club Méditerranée, les images insulaires construites par l’industrie touristique se déclinent sur une palette d’eaux turquoise, de sables blancs et de cocotiers verdoyants. Les îles et archipels bénéficient aujourd’hui d’un capital attractif remarquable qui implique, comme tous les grands pouvoirs, de grandes responsabilités.

État des lieux

Qu’ils soient méditerranéens, caribéens, asiatiques, situés dans les océans Indien, Atlantique ou Pacifique, beaucoup de territoires insulaires ont orienté de longue date leur économie vers le tourisme. Cette industrie représente aujourd’hui 29% du PIB des petits Etats insulaires en développement (SIDS) et jusqu’à 66% pour les Maldives ou les Seychelles qui bénéficient de l’image archétypale de « l’île paradisiaque ». Le tourisme fait partie des principaux créateurs d’emplois au monde, permet l’entrée rapide sur le marché du travail des jeunes et des femmes notamment et constitue un réel accélérateur de développement socioéconomique. Cependant, la capacité de charge des îles étant par définition non extensible – à quelques exceptions d’artificialisation près –, le contexte insulaire suppose des arbitrages quant à l’usage des sols (destinés au développement hôtelier, au logement, à l’agriculture…) et des ressources, et une grande capacité de gestion des déchets. Le développement touristique peut par ailleurs favoriser l’abandon d’activités et savoir-faire traditionnels. Cette dynamique rend certains territoires dépendants de l’industrie touristique (l’année écoulée a mis en lumière les risques d’une telle dépendance) et des importations (de biens, de services, de capitaux et de compétences).

De nouveaux projets de développement touristique cherchent à faire sortir les îles du tout-balnéaire et à diversifier les offres en associant le tourisme culturel et d’aventure au triptyque historique « Sea, Sand and Sun », ou en intégrant des complémentarités régionales dans la perspective d’une meilleure répartition des flux dans l’espace et le temps. Il semble que les années 2020 soient celles de la rencontre entre ce qu’Anne Meistersheim appelle « l’îléité » et « l’insularité ». Le premier est relatif à l’imaginaire de l’île pour les continentaux, il est essentiellement fait d’eau alors que le second est ancré dans la terre, vécue, habitée et exploitée par les populations insulaires. Ces nouvelles offres, plus durables, diffuses, itinérantes, etc. visent la protection de l’environnement et l’augmentation de la part des revenus touristiques réinjectés dans l’économie locale. Mais ces activités sont loin d’être devenues la norme. Pourtant, paradoxalement, l’imaginaire touristique insulaire se fonde sur un capital naturel et paysager préservé dont le tourisme est un facteur d’altération, a fortiori s’agissant d’écosystèmes naturels vulnérables. L’accessibilité même des îles dépend de deux industries polluantes : l’aérien et la croisière (jusqu’à 30 millions de croisiéristes en 2019). Gageons que celles-ci trouveront d’ici 2040 des solutions énergétiques décarbonées ?

Vision 2040

« Cet hiver, c’est sûr, on part quelques semaines pour décompresser. C’est bon, je n’ai pas atteint mon quota annuel d’émissions de gaz à effet de serre : je n’ai pris que des vols à hydrogène, je peux me permettre un voyage lointain. J’aurais aimé visiter les îles Salomon avant qu’elles ne soient submergées du fait du changement climatique, mais l’accès y est interdit depuis l’année dernière. J’ai vu qu’il restait des Welcome passes pour les Iles Vanilles, sauf pour les Seychelles (là, il fallait s’y prendre il y a des mois déjà pour réserver nos passes). Nous allons peut-être profiter du programme lancé par la Réunion pour attirer des télétravailleurs et y passer une dizaine de jours en workation. Ensuite on pourrait retrouver des amis à Nosy Be pour les vacances. Ils seront en croisière sur un bateau à propulsion électro-hydrogène. J’aimerais bien tester un hôtel dans une cité flottante écologique : j’ai vu plein d’images en ligne, ça a l’air magique, et si on réserve assez tôt c’est abordable. Ils y proposent de la plongée sous-marine dans une aire protégée de coraux… ou bien on ne reste qu’une ou deux nuits et on va faire un trek dans une réserve naturelle à Madagascar… on regardera les jauges de fréquentation le moment venu pour faire notre choix. D’ici là, je dois vérifier que je remplis bien les critères de leur charte environnementale et que je m’engage à la signer, sinon, pas de pass ! »

Débats et controverses

Le caractère fini et limité du territoire insulaire, de ses ressources, de son patrimoine, etc. met en exergue des problématiques moins visibles ou plus diffuses dans d’autres contextes. La régulation des flux est souvent avancée comme solution à la surexploitation des ressources et autres impacts socio-environnementaux du tourisme. Aujourd’hui, c’est surtout par la montée en gamme que passe cette régulation, avec des offres à des prix sélectifs (Seychelles, Fernando de Noronha au Brésil…) ; or cela peut engendrer une plus grande déconnexion entre les populations locales et les clientèles touristiques. Le tourisme insulaire doit-il être exclusif et réservé à une élite internationale pour être vertueux ? L’exemple du « minimum daily package » du Bhoutan est-il à suivre ?

Une autre question cristallise les débats : qui sont les bénéficiaires d’une activité touristique insulaire ? Le tourisme est-il souhaitable pour (et souhaité par) les populations insulaires, les touristes ou les investisseurs ? Après des années de croissance des flux touristiques balnéaires et saisonniers, le tourisme se réorganise vers plus de diversification des activités, plus d’inclusion des populations locales et de circularité économique. Mais la seule politique de l’offre est-elle suffisante ?

De plus, la question des déchets générés par l’industrie touristique, dont « l’île poubelle » de Thilafushi aux Maldives est un exemple édifiant, peut-elle être résolue sans une volonté forte des pouvoirs publics et la mise en place de contraintes ?

Shaping tomorrow’s tourism

Sur le pan environnemental et climatique, certaines dynamiques sont largement enclenchées et ne pourront être atténuées qu’avec une revue de nos modes de vie et la mise en place de politiques globales volontaristes autorisant ou taxant, par exemple, certaines activités en fonction de leur empreinte carbone ou leur quantité de déchets produite. Des actions responsables et durables au niveau des territoires insulaires doivent aussi être poursuivies et renforcées. Sur le plan social, le développement touristique peut être plus vertueux et inclusif à tous les niveaux de la chaine de valeur : investissement, conception des offres par les acteurs locaux, utilisation de matériaux et savoir-faire traditionnels pour la construction et les fournitures des structures d’accueil, formation et montée en compétence du personnel, consommation et alimentation des visiteurs, etc. Des mutations s’opèrent aussi du côté de la demande, avec l’éducation des touristes à un nouveau paradigme touristique : « faire la Polynésie » n’est pas un dû mais un privilège qui implique des responsabilités, à l’échelle locale et globale.

La communication, les réseaux sociaux, la mise en place de nudges etc. peuvent être employés pour infléchir nos comportements. Des outils juridiques peuvent aussi être pensés : la délivrance de permis de visite par les autorités compétentes, l’instauration de jauges dans certains sites, ou encore un engagement des visiteurs relatif à leur consommation, leur production de déchets et autres facteurs de pollution – faisant de ces critères de réels motifs de choix des offres. Ces éléments constitutifs d’une empreinte carbone globale pourront être équilibrés à l’année, à l’échelle individuelle et des territoires, y compris des regroupements régionaux.

Il semble finalement que la préservation des écosystèmes insulaires et la régulation de l’activité touristique doivent passer par des politiques publiques protectrices, soutenues par le big data et rendues possibles par des logiques de coopération régionales et internationales. Un tourisme ainsi régulé et bien géré pourra alors être un acteur de préservation et de valorisation des îles.

Menaces sanitaires

Depuis ces deux dernières décennies, les épidémies se sont succédé à un rythme accéléré et ont profondément affecté le secteur du tourisme. Mais, les pandémies ne constituent pas les seules menaces sanitaires : pollution de l’air, de l’eau, de la nourriture… font grimper les demandes de sécurité d’un touriste soucieux de préserver son bien le plus précieux : sa santé.
Amplifiées par la crise du Covid, ces peurs méritent d’être prises au sérieux et de faire l’objet d’une vigilance et anticipation accrues.

État des lieux

Sans remonter au Moyen-Âge, les exemples d’épidémies sont légion. Pour ne citer que les dernières : notons le SRAS (ou syndrome respiratoire aigu sévère) qui a touché plus de 8 000 personnes au début des années 2000
et a fait 774 morts à travers le monde.
Ensuite, en 2009, ce fut le tour du virus H1N1 causant plus de 18 000 morts dans 213 pays (selon l’OMS). Puis vint Ébola enrayé seulement en 2018 et enfin le Covid 19 qui a touché quelque 130 millions de personnes dans le monde et en a tué quelque 2.3 millions (au 8 février 2021).
Ce qui ne doit pas faire oublier d’autres virus comme celui du chikungunya qui circule entre autres dans plus de 20 départements français et aux Antilles.

Sur le plan économique, les prévisions de l’OCDE font état d’un repli du PIB mondial de 4,5 % cette année avant un rebond de 5 % en 2021. Pour la France, le recul s’établirait à 9,5 % en 2020.

Bien d’autres maux liés à la pollution de l’eau (rivières, lacs et océans), de l’air intérieur et extérieur, sont régulièrement dénoncés par les associations de défense de la nature et par les médias. Désormais, les maires prennent donc de plus en plus souvent des arrêtés contre les pesticides, ouvrant une guerre larvée entre agriculteurs, habitants et parfois touristes. De plus, la très forte médiatisation des risques liés à la consommation alimentaire contribue pour sa part à généraliser des comportements de défiance vis-à-vis de la nourriture consommée à domicile et hors-domicile.

Une étude du Credoc datant de 2018, indique que 74 % des Français pensent qu’il existe des risques alimentaires, contre 55 % en 1995. La viande est particulièrement concernée.

Par ailleurs, l’état psychologique des voyageurs dont 27% (Baromètre Europ Assistance 2019) se plaignaient de problèmes de santé en voyage avant la pandémie, risque d’encore se dégrader et de renforcer l’exigence de sécurité sanitaire.

Dans un sondage Ipsos/Cevipof, on apprend que la préoccupation n°1 des Français c’est la peur sanitaire. (49% les personnes interrogées). Préoccupation n°2 : la peur économique et sociale.

Dans ce contexte, le tourisme domestique plus rassurant est devenu le grand gagnant de la pandémie dans la majorité des pays.

La nouvelle édition du Baromètre d’EuropAssistance, un incontournable depuis 19 ans, qui a également l’intérêt de sonder les principales motivations des voyageurs européens, brésiliens et nord américains, fournit un hit-parade intéressant dans le domaine des craintes des vacanciers. Que redoutent-ils le plus ? – Les risques d’attentat : 42%. Les risques sanitaires : 38%. Les risques d’attaques personnelles : 38%. Les risques d’attaques par un virus : 32%. Les risques de troubles sociaux : 29%, et enfin les risques de catastrophes naturelles : 28%.

Vision 2040

Dans 20 ans, où en sera-t-on ? Selon un scénario pessimiste, la multiplication des « variants » du Covid 19 ayant prolongé la pandémie de 2020, les nouvelles alertes seront prises au sérieux et combattues à temps.

  • Mais, les touristes, d’où qu’ils viennent, seront désormais en possession de pass-sanitaires dûment mis à jour, afin de traverser la plupart des frontières de la planète. A l’intérieur même de certains pays, un carnet de santé (sous la forme d’un objet connecté) sera exigé pour aller au théâtre ou au concert et restaurant. De toutes façons, l’anonymat ne sera plus de règle.
  • Quand on prendra son billet, on donnera sa « carte sanitaire » qui renfermera des informations sur l’état de santé du porteur. Les données médicales seront vendues à prix d’or à des assureurs qui auront tous inclus de nouvelles offres dans leurs polices d’assurance.
  • Stations, plages, villes touristiques… auront créé des observatoires de santé et des centres médicaux ouverts 24/24 assurant une couverture sanitaire totale. Les territoires publieront une météo sanitaire. Les guides, sites et magazines de voyages consacreront des rubriques de plus en plus denses aux alertes sanitaires.
  • De leur côté, les protocoles sanitaires de plus en plus sophistiqués seront devenus obligatoires pour tous les acteurs d’un tourisme dont la bonne santé fluctuera au rythme de la bonne santé climatique, économique et sanitaire de la planète. Les vérifications des prestataires touristiques par des agences spécialisées feront florès. Le port du masque sera contesté mais banalisé à chaque nouvelle alerte.
  • Gares, aéroports et autres lieux de transit seront soumis à des désinfections exhaustives
    utilisant de nouveaux produits. Les portiques capables de déceler les individus porteurs d’une maladie se seront généralisés. Restaurants et bars sont de plus méticuleusement contrôlés. Le ministère du tourisme pourra être intégré au ministère de la Santé.

…Mais, par ailleurs, on observera de la part des populations les plus conservatrices et frileuses, une tentation de retrait par rapport aux déplacements touristiques. Devenus trop risqués, les voyages feront moins rêver. Le tourisme international stagnera peut-être par moment. Ce qui contribuera à supprimer les poches de surtourisme !

Débats et controverses

Une fois répondu positivement à la question : y aura-t-il de nouvelles crises sanitaires (épidémiques ou non), les interrogations à formuler sont :

  • Avec quelle fréquence et avec quelle intensité se produiront ces crises ?
  • Pourra-t-on les anticiper ? Et surtout, pourra-t-on, dans le secteur du tourisme, les combattre avec des armes efficaces ?
  • De plus, ces armes prendront-elles la forme de stratégies locales, régionales ou nationales ? Ou les trois à la fois ? A moins qu’il ne s’agisse de stratégies internationales ?
  • Seront-elles obligatoires pour tous les opérateurs privés et publics ?
  • Parallèlement, la défense de la cause sanitaire ne va-t-elle pas induire la création d’un excès de labels sanitaires prenant en compte toutes les dimensions des dangers courus, à l’image du Pavillon Bleu pour le littoral ?
  • Va-t-elle aussi créer une nouvelle carte touristique avec des destinations « bonnes élèves », des destinations très prudentes et fermées, des destinations trop ouvertes, des destinations offrant de vacciner et de soigner leurs clients, des destinations mettant en valeur leur démographie médicale ?
  • On peut aussi se demander comment l’offre de bien-être et de thermalisme pourra évoluer ? Quid du tourisme médical ? Va-t-il renouveler ses prestations aujourd’hui dominées par des prestations d’esthétique (implants capillaires, dentaires, amaigrissement…) ?

Shaping tomorrow’s tourism

Le secteur touristique, dans son ensemble, devra se doter de stratégies capables d’être déployées en urgence en cas de menaces sanitaires de toutes sortes, affectant l’homme ou l’animal. Tout nouveau projet d’envergure devra comporter un volet sanitaire produit par les services des agences de santé.
Un budget spécifique devra être consacré aux protocoles sanitaires devenus indispensables. En fait, comme le terrorisme a introduit la mise en place de nouvelles mesures de sécurité dans les lieux de transit, notamment les aéroports, les menaces vont dicter de nouvelles obligations sanitaires pour les territoires qu’il faudra envisager au cas par cas, en fonction du contexte.

L’Afrique, continent touristique ?

L’Afrique sub-saharienne va-t-elle devenir un géant touristique, à la hauteur des prévisions démographiques et économiques faites pour le continent ? Ou bien cette vision est-elle une chimère ? Le continent parviendra-t-il à transformer l’essai de l’émergence d’une classe moyenne née de la mondialisation des échanges tout en supportant une croissance démographique forte, les impacts très lourds du changement climatique, des instabilités politiques et divers problèmes de gouvernance ? De nombreux facteurs objectifs portent à l’optimisme, dans une sorte de course de vitesse où les sujets concernant la sécurité et les crises sanitaires récurrentes limitent avant tout son développement.

État des lieux

L’Afrique Sub-saharienne, c’est aujourd’hui environ 800 millions d’habitants, avec des prévisions de croissance démographiques très fortes, autour de 2 milliards d’habitants en 2050. Cet impact démographique sera particulièrement sensible/impactant dans les pays les plus pauvres et les plus sujets aux chocs climatiques, notamment dans la bande sahélienne. L’Afrique, c’est aussi une croissance économique de l’ordre de 4% environ depuis de nombreuses années, et des prévisions du même ordre pour les deux décennies à venir. Ce phénomène s’accompagne de l’émergence de couches moyennes et supérieures avec un pouvoir d’achat en croissance et une intégration rapide dans « l’économie monde ».

Évidemment tous ces phénomènes cachent des disparités considérables, avec des géants économiques comme le Nigéria, des pays en émergence rapide (Côte d’Ivoire, Ghana…) et des pays qui restent à des niveaux de pauvreté cruels (Niger, Mali, Tchad, Centrafrique…). Dans ce contexte, l’Afrique a accueilli en 2019 : 70 millions de touristes, en croissance moyenne d’environ 6% sur les cinq dernières années, avec des particularités fortes :

  • Les pays les plus touristiques se situent aux extrémités sud et nord du continent : Maroc, Égypte, Tunisie, Afrique du Sud.
  • La bande sahélienne intercalaire de la Mauritanie à la Somalie est exclue du phénomène touristique international pour des raisons de sécurité. D’autres voient leur stabilité menacée : Kenya, Mozambique…
  • Des stars d’hier : Sierra Leone, Ghana, Éthiopie n’ont pas confirmé leur vocation touristique.
  • Quelques micro-destinations ont su imposer une image forte : Cap Vert, Maurice, Seychelles, Zanzibar.
  • Les statistiques sont très imparfaites et recouvrent à travers la notion d’arrivée, des réalités qui tiennent beaucoup du tourisme affinitaire issu de la diaspora : Algérie, Nigeria, Côte d’Ivoire, Sénégal.
  • Les flux régionaux, hormis quelques cas, sont dominants sur le plan statistique s’agissant en particulier des pays sans accès à la mer.
  • La dynamique d’investissement, en particulier dans l’hôtellerie est réelle mais réservée aux principales grandes villes. Pourtant les arguments et facteurs objectifs sont réels :
    • Proximité de l’Europe, quasiment sans décalage horaire (4/6h).
    • Climat avec de forts contrastes régionaux et saisonniers.
    • Patrimoines naturels, humains et culturels très forts, même s’ils sont aujourd’hui menacés ou insuffisamment valorisés, avec de fortes perspectives dans le monde des arts et de la création contemporaine.
    • Phénomènes de diasporas.
    • Potentiel de tourisme de nature/écotourisme avec des exclusivités mondiales et des références d’imaginaires uniques (berceau de l’humanité, grands espaces sauvages, parcs nationaux…).
    • Qualité d’accueil et de convivialité des populations…

Des barrières à l’entrée demeurent en matière de visa (le Sénégal fait exception), d’exigences sanitaires : vaccins, traitement « anti », auxquelles s’ajoutent des freins psychologiques parfois sans réel fondement qui minent l’image globale du continent : instabilité politique, pauvreté endémique…

Vision 2040

On peut imaginer que dans deux décennies, dans des pays et des zones qui globalement franchissent des étapes sur le chemin de l’émergence, certains deviendront des acteurs économiques régionaux ou globaux crédibles. Le développement de réseaux de villes portuaires et/ou d’affaires devenues puissantes sur le plan économique, mais aussi pour leur tourisme urbain et d’affaire, est également plausible.
Un tourisme fait principalement par et pour les résidents de la sous-région, avec des constitutions de zones touristiques et immobilières très protégées (Saloum, Casamance, Assinie, Grand-Béréby, Kribi…) est déjà en cours et pourrait accélérer.
Des espaces touristiques bien affirmés, principalement dans les zones côtières et dans quelques espaces naturels protégés sont attendus. La notion de sanctuaire s’élargira aussi aux populations qui vivent dans ces zones protégées.
Enfin, des inégalités de développement persisteront, avec des pays disqualifiés du tourisme par des problématiques ethno religieuses, socio-politiques, des frontières instables (Burkina, Nord Cameroun, Tchad, Pays Dogon…).

Débats et controverses

Dans le nouveau triptyque des destinations touristiques (des enclaves sécurisées, paysagées et entretenues donc propres voire vertueuses sur le plan environnemental, bienveillantes et professionnelles dans l’accueil, portant des valeurs d’hospitalité et de partage
culturel), l’Afrique peut faire valoir de vrais arguments sur les deux derniers points :

  • Vastes espaces naturels, certains protégés, sanctuaires animaliers, routes culturelles des chefferies… sont autant de marqueurs qui peuvent se mêler à des imaginaires très forts de liberté, d’aventure, de rencontres…
  • Les valeurs de convivialité, d’hospitalité sont aussi réelles et peuvent se combiner avec des expressions culturelles et de créativité, devenues des marqueurs revendiqués, autant que des facteurs d’intégration à l’économie monde.
  • Le tourisme national et sous régional va induire la création de complexes touristiques et résidentiels importants et de nature très différente, mais aussi de pôles d’affaires et de loisirs urbains et péri-urbains pouvant devenir de véritables destinations. Même dans les pays à plus fort potentiel, la question de la sécurité des biens et des personnes sera centrale et on peut penser qu’à l’image de l’Inde ou du Brésil d’aujourd’hui, des pays verront coexister un secteur touristique florissant à côté de zones de pauvreté et d’insécurité extrêmes. Il est probable aussi que certains pays resserrent leurs liens avec les marchés européens, aidés en cela par les phénomènes des diasporas. Mais pas uniquement. L’accès au réservoir de demande touristique mondiale n’est permis qu’à un club fermé de destinations offrant des plages paradisiaques et (ou) une faune exceptionnelle (les big five, gorilles, chimpanzés…). Dans ce paysage, certaines destinations devraient émerger :
    • À L’Ouest, Sénégal, Ghana, Côte d’Ivoire et Cap Vert.
    • A l’Est, Kenya, Tanzanie, en lien avec la structuration d’une polarité forte au sud, à partir de l’Afrique du Sud, et avec la Namibie, le Botswana, mais aussi Zimbabwe et Mozambique.
    • Enfin l’Afrique centrale devrait plus fonctionner sur des bases locales et des poches de prospérité, attestées par le tourisme.

De ce constat il ressort notamment que parler de tourisme africain de manière globale a peu de sens. Les réalités nationales ou sous régionales continuent à s’imposer, reflétant ainsi les diversité géographiques, humaines, économiques, politiques du continent.

Shaping tomorrow’s tourism

Aujourd’hui les besoins de l’Afrique, futur continent touristique, sont immenses :

  • Structuration des offres hôtelières, des espaces de rencontres d’affaires et de pôles de loisirs dans les grandes villes et les capitales, et progressivement équipement des villes secondaires. Les fonctions touristiques et hôtelières sont largement intégrées dans
    des approches immobilières et d’équipement plus globales.
  • Développement de polarités touristiques, notamment sur des zones encore vierges. C’est une chance exceptionnelle de pouvoir y bâtir des projets résolument innovants, à la fois pour des populations exogènes et locales, sur des bases qui mettent les réalités environnementales au cœur des motivations des clients comme des choix techniques, avec un urbanisme doux et sain, des processus inclusifs, une économie ouverte.
  • Ces projets peuvent être exemplaires d’une nouvelle manière de concevoir le tourisme.

L’hôtellerie pour demain :

L’hôtellerie de demain est un sujet récurrent sur lequel chacun entend s’exprimer à partir du moment où il est consommateur de nuits d’hôtels. Le sujet est pourtant plus touffu qu’il n’y parait et reste affaire de spécialistes. Chacun entend faire valoir la primauté de son expertise sur l’autre : les investisseurs et leur logique de long terme, les architectes décorateurs et leur vision esthétique, les opérateurs et leur vision opérationnelle, les banquiers et leurs covenants. Comment dès lors proposer une vision cohérente et apaisée d’un futur souhaitable pour le secteur hôtelier ?

État des lieux

Le secteur hôtelier regroupe des concepts très divers qui évoluent en fonction de leur nature et de leurs clientèles cibles. Il est indissociable de la question des mobilités dont l’évolution a structuré des générations de produits : auberges, grands hôtels urbains ou de villégiature, motels, hôtels d’aéroport…
Le parc hôtelier mondial compte environ 25 millions de chambres dont la majeure partie se trouve encore aux États-Unis et en Europe de l’Ouest. Les pays développés d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord concentrent encore la majorité de l’offre mondiale tandis que la Chine et le Moyen-Orient se développent plus rapidement que la moyenne mondiale et gagnent des parts de marché. La diversification géographique du développement s’est accélérée depuis une quinzaine d’années et s’accompagne de changements liés à l’émergence d’un monde désormais poly centré où l’adaptation locale est clé. Parallèlement, les marques hôtelières étendent leur emprise globale et représentent environ 40% du parc mondial. Une course au développement est donc à l’oeuvre. Depuis un an, elle se heurte à une crise inédite qui rebat les cartes. Mais pour combien de temps ?

Vision 2040

La créativité des professionnels étant sans limite, et de nouveaux besoins apparaissant tant du côté des professionnels que des opérateurs, l’hôtel pourrait bien afficher de nouveaux visages et s’établir sur de nouveaux territoires : sous la mer et sur la mer, dans les airs, éparpillés à travers villes et villages (les hôtels diffus), éphémères (le temps d’une grande manifestation), dans des immeubles de bureaux afin de répondre à un afflux de clientèles, et évidemment et toujours chez l’habitant. Pour autant, il obéira toujours à des impératifs indissociables de son essence même d’hébergement destiné à une clientèle nomade.

Débats et controverses

Sur le long terme, il fait peu de doute que l’hôtellerie est un secteur porteur d’avenir car il répond à une aspiration profonde des consommateurs. La question n’est donc pas de savoir si le secteur se remettra de la crise actuelle mais quand et comment. Nul ne maîtrise la question du quand tant elle est liée à l’évolution de la crise sanitaire et au développement d’une solution durable. La question du comment, quant à elle, peut être abordée à partir du postulat selon lequel la crise est un catalyseur de changement. Quelles sont alors les thématiques qui vont porter l’hôtellerie de demain ?

  • L’humain, encore et toujours : L’hospitalité est une idée à la fois moderne et vieille comme le monde. Elle se redécouvre aujourd’hui, moins qu’hier sous la forme de procédures d’exploitation, et davantage sur le savoir être. Ce talent peut être inné mais il s’apprend aussi. C’est pourquoi le secteur hôtelier évolue vers un style de service moins codifié, doublé d’un rapport plus humain avec ses clients comme ses collaborateurs auprès de qui de grands progrès restent à faire. Ce besoin d’hospitalité ne se limite pas au strict périmètre de notre secteur. Il s’étend aux métiers de services et aux secteurs connexes que sont la santé, le bureau ou le logement. C’est pourquoi l’hospitalité infuse déjà des compartiments de l’immobilier géré tels que le co-living, le senior-living, le student-living ou le co-working. Cette tendance préfigure d’autres hybridations possibles dans le domaine de la santé, du bien être ou développement personnel ou de la filière « agro-agri ».
  • Le local évidemment. L’emprise locale renforcée de l’hôtel est un enjeu nouveau pour la clientèle. Si de longue date l’hôtel était plutôt fréquenté localement pour des réunions ou évènements familiaux, il s’inscrit désormais de manière beaucoup plus diverse dans son environnement. Il devient un pôle de services et une locomotive culturelle. Ainsi, non seulement les bars et restaurants d’hôtels redeviennent désirables pour les résidents mais d’autres services extérieurs s’ouvrent tels que spas, fitness, caves, pâtisseries… La rationalisation des achats tend aussi vers plus de local voire vers la production intégrée, de légumes, de fruits ou de miel qui sont autant de signes d’un ancrage renforcé. Qu’il soit en ville ou ailleurs, l’hôtelier de demain sera proche du terrain et ancrera davantage son offre de service dans le territoire.
  • L’indispensable élégance : Imaginer que le client rejette la standardisation des hôtels est une idée aussi répandue que fausse. Ce que le client rejette c’est la froideur et la laideur mais jamais ce qui lui facilite la vie et qui lui garantit une promesse de régularité. La cohérence du design des hôtels est un point absolument clé. Mais attention ! Le design ne fait pas l’hôtel. Il est un parti pris esthétique qui traduit une intention, une promesse faite au client. L’exigence du beau est aujourd’hui plus précise et permet de distinguer les hôtels les uns des autres, les plus désirés de la masse de l’offre du marché. Elle ne se limite pas au luxe et est attendue partout de la part des consommateurs, surtout des plus jeunes. Aussi, le choix d’équipe de conception adaptée, tant en rénovation qu’en construction neuve est en enjeu fondamental de l’hôtel de demain.
  • L’intelligence technologique : La technologie se comprend comme un moyen et non une fin. Et c’est à la technologie de s’adapter au consommateur et non le contraire. Il ne s’agit pas pour autant de faire un procès en déshumanisation des hôtels de demain. Tout dépendra de l’usage et du niveau de service attendus. Les applications nouvelles sont légion comme la réception électronique ou le room service robotisé. Elles trouveront un terrain favorable chaque fois qu’elles donneront une plus-value d’usage au consommateur : moins d’attente, moins d’erreurs, un prix compétitif. Une application vertueuse des technologies pourrait consister à libérer du temps administratif pour le personnel pour le consacrer davantage à l’accueil et au confort des clients. C’est pourquoi les solutions technologiques à mettre en oeuvre doivent être pensées comme des facteurs de production venant traduire une offre de service codifiant la relation entre l’hôtel, ses clients et le personnel. D’ici là, l’impact de la technologie qui aura la plus forte emprise sur le secteur restera la distribution électronique et les avis qualitatifs en ligne.
  • Le besoin de responsabilité : Cela va mieux en le disant. L’hôtel de demain sera responsable et intègrera dès sa phase de conception les principes du développement responsable et notamment la prise en compte des éléments durables dans l’architecture de l’hôtel : matériaux recyclés ou « bio-sourcés ». Des choix techniques assumés permettront des économies d’énergie et de fluides en phase d’exploitation. Le sourcing des achats sera quant à lui soucieux d’éliminer le plastique, tandis que les process opérationnels limiteront les consommations : déchets alimentaires, papiers, cartouches d’imprimantes… Plus que la course aux labels dont la cohérence pose question, une prise en compte active et sincère des problématiques liées à la transition énergétique et climatique est un enjeu clé pour l’hôtel de demain. Ces thématiques sont devenues un élément central de la réputation des établissements hôteliers. Ils sont maintenant également regardés par les investisseurs dans le cadre de financement de projets tant en rénovation qu’en neuf.

Shaping tomorrow’s tourism

Chacun l’aura compris, l’hôtel de demain n’est pas un mais plusieurs. L’imaginer et le construire revient à faire des choix cohérents et rassembler une diversité de compétences inédites. Ceci sous tend une verticalisation des compétences, une répartition claire des rôles et une organisation en mode projet.

Tourisme d’affaires

Profondément impacté par la crise sanitaire, le voyage d’affaires aux bons soins de Zoom et autres opérateurs de visio conférences, a assisté impuissant à son propre naufrage. Impuissant mais consentant, il compte parmi les secteurs qui ne seront plus jamais comme avant. Ses clients non plus. Un pan entier de l’industrie touristique est donc à reconstruire dans un contexte désormais dominé par les géants de la communication à distance et par conséquent par les risques de cyber attaques qui seront de plus en plus redoutables. Sans compter la question du stockage des données, de la connectivité des lieux, des risques de panne.

État des lieux

Très segmenté (congrès, événements, salons) le voyage d’affaires a été impacté négativement et durablement, à travers tous ses métiers. Selon le dernier baromètre EPSA-IFTM (janvier 2021), le taux d’effondrement est abyssal : globalement autour de 60%. Alors que toute la chaîne de prestataires a subi le contrecoup de ce déclin, on estime que les agences de voyages et TMC (Travel managers) sont confrontés à une baisse de l’ordre de 75 à 90%. Pour les espaces d’événementiel, la baisse tourne autour de 80%.

Autre fait déterminant : l’efficacité des solutions technologiques de remplacement des réunions d’affaires a permis de satisfaire en partie organisateurs et publics. L’application Zoom (parmi d’autres) est devenue en quelques mois l’une des entreprises les plus en vue du monde. Elle est cotée 23 fois plus qu’Air France.

A ce constat conjoncturel s’ajoutent les maux structurels du secteur des réunions et congrès caractérisé en France par :

Une offre pléthorique (la moindre ville a son palais des congrès, son parc des expositions, sa ou ses salles de spectacles), des fonds publics comme règle de financement des investissements et de régulation des activités.

Une situation d’extrême atomisation des opérateurs, avec de multiples sociétés publiques locales et GL Event comme acteur global et dominant dans de nombreuses villes (sauf à Paris).

Une activité très concentrée sur la capitale (première destination mondiale de congrès), sur la Côte d’Azur et quelques grandes villes ou stations touristiques.

Quant à l’activité MICE qui pèse lourd en France (au niveau national, le poids économique était évalué pour 2019 par l’UNIMEV à 32 milliards d’euros), elle ne permet pas en général d’assurer le financement du Gros Entretien Réparation (GER) et encore moins celui des évolutions structurelles. Les collectivités ont ainsi appréhendé l’existence d’un parc d’exposition ou d’un lieu de congrès à travers le prisme de l’animation (souvent commerciale) locale, et celui des retombées économiques générées sur l’ensemble de l’écosystème. Mais à l’évidence, volonté de prestige et parfois surenchère sur le voisin ont aussi été des drivers de création d’équipements parfois surdimensionnés donc inutilement coûteux.

Par ailleurs, la question de l’allocation des surfaces et de la maximisation des réserves foncières vient interroger le devenir des parcs des expositions qui peinent économiquement, nécessitent donc des réinvestissements alors qu’ils occupent souvent de grandes surfaces.

Vision 2040

Dans 20 ans, dans un monde où travail et loisir se confondent de plus en plus, les termes de tourisme d’affaires et de loisirs auront de moins en moins lieu d’être. Les hommes et femmes d’affaires seront moins nombreux et quand ils survivront, ils témoigneront d’un monde plus ou moins révolu. Les méga congrès internationaux pour leur part se seront raréfiés, remplacés par des réunions régionales et des visio-conférences géantes organisées par des entreprises de plus en plus lourdement équipées, aux prestations de plus en plus coûteuses. Mais, les congrès institutionnels en France se porteront vraisemblablement toujours aussi bien, autour d’une approche conviviale renforcée.
Globalement, les manifestations seront cependant plus courtes, moins éloignées, plus raisonnables en budget. De plus en plus d’événements seront hybrides à vocation multidimensionnelle (information, rencontres, démarches commerciales, …). Le marché des centres événementiels se sera probablement transformé, concentré sur quelques grandes villes et destinations touristiques phares. Des villes moyennes auront disparu de la carte des destinations de congrès, d’autres se seront recentrées sur un marché régional et sur de l’animation locale. Les foires locales, raison d’être privilégiée de beaucoup de parcs d’exposition jusqu’aux années 2020, auront quasiment disparu, prises dans le maelstrom des bouleversements de la consommation…

Débats et controverses

Devant l’efficacité des solutions virtuelles et leurs faibles coûts, le débat pour les communes et les opérateurs concernés par la chute d’un modèle, va essentiellement porter sur les points suivants :

  • La polyvalence des lieux d’accueil est-elle la seule solution ou est-elle une source de confusion, de difficultés et de surcouts (des lieux pour faire à la fois du sport, des spectacles, des manifestations économiques…)
  • Les valeurs de l’accueil vont-elles l’emporter sur l’économie et constituer le seul pari gagnant ? Le besoin de liens, d’échanges de partage va-t-il en effet rester une donnée ontologique indépassable ?
  • Les investissements en sécurité sanitaire qui vont avec seront-ils à la portée de toutes les bourses ?
  • L’offre hybride (présentielle et virtuelle) va-t-elle constituer le nouveau et unique modèle et sous quelles formes ? Ses coûts ne vont-ils pas excéder les coûts du monde d’avant ?
  • Les investissements en cyber sécurité vont-ils être suffisants pour préserver le piratage de certaines grandes réunions et de leurs débats ?
  • Le risque de voir les données issues des débats, échanges et autres conversations, être confisquées par des opérateurs planétaires géants peu scrupuleux, ne va-t-il pas l’emporter sur la facilité offerte par les conférences à distance ?
  • L’absence d’opérateurs européens capables d’assurer les mêmes prestations que les géants américains et bientôt asiatiques, ne va-t-elle contrarier le développement des cyber-conférences ?
  • Les géants du Web ont-ils encore de nombreux tours dans leurs sacs capables de provoquer une crise encore plus grave du secteur des réunions ?

Shaping tomorrow’s tourism

L’évolution de lieux dédiés au tourisme d’affaires va donc, on le voit, exiger de nombreuses compétences liées à l’urbanisme, la sociologie, l’économie… Des expérimentations devront donc être faites, s’appuyant sur une analyse juste du contexte : ressources locales, savoir-faire, rapport à l’urbain…
Le besoin d’être ensemble passera aussi par une personnalisation plus forte des centres de manifestation conçus autour de la notion d’expérience individuelle et collective. Il conviendra aussi de mieux valoriser les marques et les entreprises, de mieux utiliser les data clients et de repenser les services. Autres exigences :

  • Assumer la durabilité : alors que les rénovations seront plus courantes que les nouvelles constructions, la réinvention des lieux se fera notamment autour de la limitation de la consommation énergétique (voire parfois en devenant producteurs d’énergie), l’utilisation de matériaux recyclables, bio sourcés, des circuits de déchets. … Une place importante devra aussi être faite aux éléments naturels : eau, plantes et surtout lumière du jour y compris dans les amphithéâtres.
  • Assurer la sécurité : il conviendra évidemment d’assurer la sécurité physique des personnes (risques attentats, risques sanitaires…) mais aussi celle des données (protection des datas). Une contrainte à intégrer d’emblée dans les bâtiments et l’organisation des manifestations. Sans doute via des intermédiaires spécialisés.
  • Intégrer les sites au sein de la cité et en faire des lieux à vivre : enfin, les acteurs concernés devront proposer une expérience globale en lien avec la destination, l’écosystème économique, politique, touristique, culturel… Certains lieux devraient quitter leur mono-fonctionnalité pour aller vers une interpénétration des fonctions : boutiques, lab, entreprises, espaces de loisirs… Ce sont des lieux à vivre qu’il conviendra de concevoir. Une belle mission pour des équipements qui devront participer à la réinvention de la ville de demain.
    En résumé, les acteurs publics vont devoir s’impliquer plus dans leurs espaces évènementiels et tenter de leur donner une valeur économique avec la création de richesses par l’implantation d’activités marchandes par exemple ; une valeur foncière avec notamment la question de la place des parkings ; une valeur d’usage dans l’espace public urbain …

La fin des grands projets touristiques ?

Aujourd’hui en France, la question de savoir si l’on peut encore bâtir des concepts touristiques neufs, en green field, se pose ? Alors que la grande majorité des projets sont attaqués, remis en cause, balayés, les législations visant à limiter l’urbanisation induisent une véritable remise en cause de la capacité à construire en site « vierge ». L’heure est donc à la réhabilitation, densification, rénovation. Le tourisme ne pourra t’il plus se développer qu’à partir de friches, dans un pays où une large part des espaces ont déjà été valorisés ? C’est en tout cas une période nouvelle de l’aménagement touristique qui s’ouvre.

État des lieux

Depuis quelques années la plupart des grands projets touristiques ont été empêchés et finalement annulés : Center Parcs de Roybon dans l’Isère, Europa City, projet certainement devenu anachronique, mais sacrifié pour des raisons politiques malgré 10 ans d’études, des accords de toutes les institutions parties prenantes, et une promesse de 10 000 emplois dans une zone en déficit chronique. Sans compter tous les projets golfiques encore bloqués ou autres parcs de loisirs en panne.

Faire émerger un projet neuf d’envergure en France est devenu tellement complexe, aléatoire et coûteux que seules quelques structures françaises bien établies (grands opérateurs, gros groupes du BTP…) peuvent prendre des risques. Pas un seul opérateur étranger n’oserait affronter ce parcours d’obstacles. Des procédures complexes, longues, parfois contradictoires rendent la démarche d’autant plus complexe que le risque d’une annulation ferme pour raison de forme est courant. Les recours sont devenus la règle, avec souvent aux manettes un combat idéologique, dont les personnels administratifs sont parfois les protagonistes.

Dans ces conditions, l’aménagement touristique des années 1960 à 1980 a été massif, rapide, souvent violent, rarement respectueux des espaces, des paysages, des environnements et des hommes. La plupart des sites de qualité ont été occupés, certains espaces totalement urbanisés, parfois vandalisés. Le mitage territorial et la main mise administrative ont renforcé un urbanisme d’une banalité généralisée. Les dernières législations visent
d’ailleurs à limiter l’artificialisation des sols et se veulent un rempart bien légitime aux constructions non maîtrisées et à l’étalement urbain.

La plupart des acteurs ont intégré ces nouvelles données et ne s’aventurent plus que très rarement en green field. La règle devient la réhabilitation des bâtiments, des friches, des zones aménagées naguère. Cela tombe bien, le potentiel est considérable puisque tout ou presque a été construit il y a plus de 30 ans et se trouve souvent dans un état d’obsolescence technique, conceptuel et environnemental. Autre constat : en montagne, les concessions, limitées aux remontées mécaniques, tournent sur elles-mêmes au détriment d’une amélioration globale du produit, des mobilités, de l’expérience du client.
Enfin, et surtout, il convient de noter que ces phénomènes surviennent dans un contexte où les préoccupations environnementales, paysagères, écologiques sont devenues centrales dans des approches qui se veulent durables et inclusives.

Vision 2040

Cela dit, dans 20 ans, à quoi pourra bien ressembler la France ? Ressemblera-t-elle à ce grand désert dénoncé depuis les années soixante, avec des régions entières faiblement peuplées, et largement appelées à le rester ?

Certes, les territoires ruraux investis depuis les années de crise par des néo ruraux désireux de se mettre à l’abri de nouvelles hostilités climatiques et sanitaires et de réinventer leur mode de vie, afficheront une nouvelle dynamique. A la tête de petits projets touristiques (locations de chambres d’hôtes, de gîtes, petite hôtellerie, centres de bien-être, activités diverses), les nouveaux venus contribueront bel et bien à la domestication et l’attractivité de territoires oubliés, sans pour autant en entamer le charme. Il faut dire que, protégés par les lois votées en 2020 défendant le patrimoine sonore et sensoriel des campagnes, ils n’ont plus la possibilité de jouer les citadins aux oreilles et au nez fragiles.

Français et Européens, ces nouveaux ruraux se montreront probablement plus tenaces dans leurs nouvelles installations que leurs aînés des années soixante et surtout pourraient bien avoir fait des espaces campagnards une sorte de laboratoire où s’inventent les nouveaux concepts touristiques. Évidemment, œuvrant dans le sens d’un tourisme durable, leurs initiatives seront assez bien acceptées par une population autochtone désireuse d’imiter leur exemple. Au contraire dans les zones denses ou les stations touristiques, la règle absolue étant devenue la réhabilitation/densification, les innovations seront plus rares. Alors que le nouveau monde, notamment l’Asie et l’Afrique inaugurent des modèles et des concepts de plus en plus originaux, adaptés à la demande de nouvelles générations connectées, en quête d’un tourisme sur mesure, la France condamnée à une politique de sparadrap, offrira un tourisme classique, au charme sans doute un brin désuet. Un vieux tourisme en somme, sur un vieux continent !

Débats et controverses

Les thèmes de débat sont nombreux. Est-il normal qu’il soit plus facile de faire sortir de terre un hangar ou un entrepôt alors que les projets touristiques sont voués aux gémonies par les populations et institutions (y compris
par les nouveaux arrivants) ?

Par ailleurs, est-il tenable de favoriser une économie de rente pour des équipements construits avant les réformes de protection de 1986 sur le littoral et la montagne, alors que ceux-ci ne sont plus compétitifs, et de fait ne subissent pas une concurrence affirmée et salutaire ?

Le « small is beautiful » et le diffus vont-ils se poser comme les seuls projets valables et porteurs d’avenir dans un contexte dominé par les exigences environnementales ? Et cela, alors qu’une ville station, dense, ouverte à  l’année, avec ou à côté d’espaces naturels protégés, est d’un point de vue économique, urbanistique, environnemental bien plus performante qu’un territoire mité, à l’urbanisme diffus, saisonnier et porté à bout de bras par les collectivités ?

Shaping tomorrow’s tourism

Devant la somme d’équipements touristiques (et stations) obsolètes ou en mauvais état, il conviendra de réhabiliter pour améliorer l’hospitalité et l’ambiance des lieux, mais il faudra aussi être vertueux et observer trois orientations se révélant indispensables :

Repenser l’urbanisme : il convient de repenser l’urbanisme, les densités, les mobilités, les offres produits et les mixités d’activité (lieux de vacances, lieux à vivre, à travailler, pour des évènements…)

Repenser les modèles économiques : le modèle urbain français ayant été largement pensé par et pour le secteur public, avec des logiques de silos hermétiques par activité ou fonction, il faut bel et bien repenser les mécanismes de financement des projets territoriaux et mobiliser des aménageurs globaux ayant la capacité d’intervenir sur des pans entiers de cette économie, dans une vision clientèlo-centrée.

Repenser l’innovation : la digitalisation seule ne fera pas l’innovation. Pour s’adapter aux exigences des décennies à venir, il faut aller bien au-delà : repenser les parcours clients, redéfinir les fonctionnalités des lieux, imaginer les nouvelles mixités, les nouveaux usages, rebâtir sain et durable, favoriser l’économie touristique marchande plus que l’immobilier et les niches fiscales… Agir sur l’urbanisme, donc aussi sur les lieux
touristiques, en France est devenu d’une rare complexité technique, légale et administrative, avec des délais sans cesse à rallonge. Faire un (petit) projet suppose de faire évoluer le POS, lui-même dépendant du schéma directeur, après la révision du PADD, mais qui ne sera engagé qu’en fonction d’échéances locales et règles d’urbanisme. Tout un nouveau champ de l’aménagement touristique s’ouvre qui va conduire à repenser les positionnements, l’histoire que l’on raconte aux visiteurs et les concepts. Il faudra aussi être capable de porter ces projets dans la durée, à travers toutes les étapes techniques, économiques, juridiques…. C’est une condition absolue de la différentiation et de l’attractivité qui nécessite des savoir-faire spécifiques et une farouche volonté de façonner le tourisme de demain, souvent en réinventant ce qui existe.

Les itinérances

Les mobilités sont le principal catalyseur de l’activité touristique. A chaque étape de l’évolution des mobilités, de nouvelles formes de tourisme sont apparues : le charbon a permis le train et le paquebot qui ont ouvert la voie à un tourisme élitiste, le pétrole a engendré l’automobile et le jet intercontinental qui ont rendu le tourisme accessible à tous. A l’heure de la transition énergétique le « tout voiture » et l’avion sont régulièrement pointés du doigt. Leur sont opposés les mobilités douces dont l’impact n’est pas encore pleinement ressenti sur les territoires touristiques. Quels sont dès lors les enjeux liés à ces nouvelles mobilités pour les territoires et quels bénéfices peuvent-ils en retirer ?

État des lieux

La mobilité touristique présente des enjeux économiques et environnementaux très importants et influe sur l’attractivité d’un territoire, à la fois pour les touristes et pour ses résidents. Ce n’est pas un hasard si, historiquement, les plus grandes étapes gastronomiques françaises se sont concentrées sur l’axe Paris-Méditerranée, épousant en cela le tracé de la mythique nationale 7. Elles sont aussi signalées depuis 1900 par le non moins mythique guide Michelin.

Aujourd’hui, plus de 80% des Français utilisent en effet leur voiture pour se rendre sur leur lieu de vacances ou pour un week-end. Selon l’INSEE, le budget moyen annuel alloué à l’automobile représente 4300 € par ménage et comprend l’ensemble des coûts induits : entretien, carburant, réparations, assurance, stationnement, péage… Outre son coût, ce mode de déplacement archi dominant pour le tourisme familial est aujourd’hui remis en cause pour son impact environnemental et ses nuisances visuelles et sonores pour les territoires. À titre de comparaison, voyager en TGV, c’est émettre 50 fois moins de CO2 qu’en voiture et 80 fois moins qu’en avion.

A cette tendance se combine un intérêt pour de nouvelles solutions de mobilité qui épousent aussi les thèses du slow tourisme. Il s’agit non plus de se rendre d’un lieu de résidence à un lieu de séjour le plus rapidement possible, mais plutôt de partir à la découverte d’un territoire, peut-être aussi de renouer avec des imaginaires lointains : la nature, la rivière, le village, le vignoble, la gastronomie. On rappellera la floraison de toutes sortes de « routes » thématiques : vins, églises, moulins, fontaines… et les grandes vélo routes de plus en plus populaires traversant la France et une partie de l’Europe. On pourra évoquer aussi les circuits organisés avec ânes de bât dans les Cévennes sur les traces de Robert Louis Stevenson, les balades en roulottes, l’attrait renouvelé pour les itinéraires historiques comme les routes de Saint-Jacques de Compostelle, les randonnées mythiques comme le GR20 en Corse ou la descente en Kayak de la Vézère.

Vision 2040

Dans les 20 ans qui viennent, il ne fait guère de doute que les mentalités auront changé et que les voyages express appartiendront à une époque où le gain de temps dominait largement la consommation. Alors que le pouvoir d’achat aura baissé en partie à cause des factures énergétiques, que les préoccupations santé et environnement seront de plus en plus prégnantes, que le rapport à l’automobile sera de plus en plus questionné, le tourisme (au sens du Grand tour) aura retrouvé sa vocation première : la découverte. Faire du tourisme, ce sera faire un voyage, si possible sur des itinéraires originaux et grâce à des moyens de transport doux, permettant d’apprécier la découverte. Vélo, cheval, kayak, randonnée pédestre…
Après la vitesse, l’activité touristique aura renoué avec sa vocation contemplative voire introspective. Mais pour une partie seulement de la population alors que d’autres continueront à privilégier le voyage point à point plutôt que l’itinérance.

Débats et controverses

Le renoncement à la construction du Terminal 4 de Roissy Charles de Gaulle dans sa configuration initiale est un signe fort, de même que l’idée de rompre avec le tout TGV par la relance des trains Intercités. La question du comment atteindre le lieu de séjour depuis mon domicile demeure et, on le voit, se double de questions nouvelles portant sur le choix même de la destination et l’impact carbone du moyen de transport utilisé pour s’y rendre. Il est donc vraisemblable que les destinations proches, donc le tourisme intérieur, vont connaître un regain.
Les principaux griefs portés à l’accès aux territoires par les mobilités douces se résument comme suit :

  • L’insuffisance de dessertes générales/ de niveau de service,
  • Le manque de qualité ou de fiabilité du service de transfert entre la gare la plus proche et la destination,
  • Le peu d’accessibilité des territoires ruraux,
  • Les amplitudes horaires insuffisantes des services de transport,
  • Les liaisons peu satisfaisantes entre les différents modes de transport,
  • Le manque de fluidité dans la chaîne de mobilité et le temps de trajet total excessif,

Pourtant, selon l’Ademe, les difficultés et contraintes d’utilisation des transports en commun pour atteindre les destinations rurales sont souvent surestimées. Il y a donc un besoin d’information et d’organisation qui sera d’autant plus soluble qu’il y aura une hausse des volumes de demande.
Reste donc la question du comment se déplacer durant le séjour ou encore, de faire du séjour une itinérance. A ce titre, il ne faut pas sous-estimer les freins psychologiques qui perdurent s’agissant d’un passage aux mobilités douces :

  • Le manque de volonté ou de détermination du client,
  • L’appréhension de l’inconnu ou des incertitudes  concernant un nouveau de mode de mobilité,
  • L’attachement à la liberté / flexibilité que représente la possession de sa voiture personnelle,
  • La spécificité de certains segments très populaires du tourisme itinérant comme les rallyes de voitures anciennes ou les clubs de marques automobiles (Porsche, 2 CV…) ou de motos (Harley-Davidson, Vespa…). Et que dire des camping-cars ?

Nous comprenons donc bien que le sujet des itinérances s’appréhende dans sa complexité et non avec dogmatisme. D’où les points de réflexion qu’il convient d’appréhender de manière pragmatique parmi lesquels :

  • S’interroger sur le tarif trop élevé de certaines solutions de transport collectif pour les familles comme alternatives à la voiture individuelle,
  • Développer l’incitation auprès du client sur des solutions de transport disponibles,
  • Opérer une diffusion élargie de l’information auprès des clients et faciliter les modalités d’accès à l’offre,
  • Prévenir la compilation excessive voire confuse des informations des différents moyens de transport,
  • Régler les détails pratiques tels que le portage des bagages entre les étapes.

Shaping tomorrow’s tourism

La particularité des itinéraires touristiques est que leur structuration requiert la mobilisation de nombreux acteurs territoriaux dont les intérêts ne sont pas forcément alignés. Ceci rend difficile face à la complexité du contexte administratif français de dupliquer l’idée de la mythique route américaine 66 en France autour d’une Nationale 7 ré-enchantée formant l’épine dorsale des flux du Nord de l’Europe vers la Méditerranée.
S’agissant des routes où une préoccupation légitime de sécurité a remplacé l’ombre des platanes par des rails de sécurité, les nouvelles itinérances invitent à repenser le réseau routier avec une préoccupation esthétique portant sur le mobilier urbain (les atroces rond points thématiques !) et la re-végétalisation. Ces éléments seront des facteurs clés pour réamorcer une offre touristique de « pays ». Il se pourrait bien que les trains de nuits, à l’image des grands trains de luxe aient repris du service et redonnent leur glamour aux voyages ferroviaires, tandis que les TER remis en marche (et électrifiés en totalité) dans quelques régions permettront de desservir les petites gares… Très diverse, la France jouera d’autant mieux cette carte qu’elle propose un paysage très « scénique ».
On voit donc bien que le tourisme offre une capacité à se réinventer. Il est aidé en cela par l’évolution des technologies et des comportements. Les mobilités du futur appellent donc à des itinérances nouvelles et à un imaginaire retrouvé. C’est donc un défi qui est lancé aux aménageurs et aux animateurs des territoires.

Extension du domaine du tourisme

Alors que, dans les années à venir, le nombre d’emplois touristiques continuera de grimper, il est fort à parier que bon nombre de prestations touristiques seront aussi le fait de « non professionnels » qui, d’ores et déjà n’hésitent pas à se convertir au tourisme. A temps plein ou à mi-temps. Guidés par le goût de l’hospitalité, la nécessité économique (surtout) ou l’opportunité, ces nouveaux acteurs sont-ils porteurs d’une nouvelle économie qu’il faudra encourager et de nouveaux concepts ?

État des lieux

L’expérience touristique très partagée par une grande partie de l’humanité a permis à un nombre grandissant d’individus de s’initier au monde de l’hospitalité, d’en appréhender les rouages et de discerner les opportunités qu’il leur offre. Non pas en tant que voyageur mais également en tant qu’acteur. Si les hébergeurs ont mené la danse entamée en France par la création du premier « Gîte de France » en 1951 (dans les Alpes de Haute Provence), puis par celle d’Abritel et encore plus tard par celle d’Airbnb, d’autres secteurs ont suivi avec succès, contribuant à créer une nouvelle offre dite « collaborative » ou « participative », dans laquelle entre offreurs et clients, tout le monde est gagnant.

    • Au 10 février 2021, PAP vacances annonce que les demandes de réservations se sont multipliées par 4 !
    • Toutes études confondues, en temps normal : ces hébergements comptent 10% d’adeptes.
    • 3 millions de personnes offrent leurs maisons en location sur le site Airbnb.
    •  Selon une étude de l’agence Grey (2018), ils seront 52% à vouloir franchir le pas de l’échange de logements pendant les vacances, dont 58% de moins de 35 ans. De plus, 50% seraient prêts à louer une chambre de leur logement à un touriste.
  •  Dans le domaine de la table : le succès a été brisé en vol par l’épidémie. Mais, les cuisiniers « amateurs » désireux de partager leur table et leur goût pour la cuisine pourraient continuer à se développer.
  • Les guides bénévoles ou payants : le mouvement des Greeters, pour sa part, s’est propagé rapidement un peu partout dans le monde. Plus d’une centaine de villes sont capables aujourd’hui de mettre en relations
    touristes et guides amateurs. Airbnb qui a bien compris les enjeux, raffine également le produit en offrant dans certaines villes des « expériences » touristiques insolites, en compagnie de guides locaux… Ce qui ne va pas sans créer une concurrence certaine avec les guides officiels et agents de voyages réceptifs.
  • Activités de loisirs : outre les promenades thématiques, toutes les formes d’ateliers de créativité et d’artisanat ou d’enseignement de savoirs divers sont dispensés à des groupes de touristes ou des individuels via des plateformes Internet. On pourrait aussi ajouter, dans certaines régions, l’offre d’activités de développement personnel et de ressourcement, n’impliquant pas pour l’enseignant de détenir un diplôme officiel.
  • Transports : dans le domaine du transport, selon une étude du cabinet Roland Berger, le marché mondial des véhicules partagés et des offres de mobilité va croître de 35% par an via le développement d’applications mobiles et autres solutions digitales, ainsi que l’entrée sur le marché de sociétés établies, comme les constructeurs automobiles, les compagnies aériennes et ferroviaires. Le succès de Blablacar, hors crise, ne s’est pas démenti.
  • Blogs et journaux en ligne : la facilité avec laquelle on peut construire un site ou un blog, poster des articles et des photos ainsi que des vidéos depuis les quatre coins de la terre a également ubérisé une profession : celle des journalistes et rédacteurs de guides. Les bloggers et influenceurs parfois éphémères, parfois durables, sont plus courtisés que les journalistes professionnels, grâce à l’importance de leur audience sur les réseaux sociaux. Enfin, toutes ces formules vont dans le sens du partage, de l’originalité, de l’économie recherchés par le touriste et par l’offreur. Elles proposent donc du « gagnant/gagnant ». Quant aux territoires touristiques, obéissant à la doxa ambiante selon laquelle le tourisme d’immersion a le vent en poupe et qu’il convient de donner la priorité au local, ils les encouragent quand ils se propagent dans des limites raisonnables.

Vision 2040

Dans 20 ans, la montée en puissance du tourisme collaboratif et la montée en puissance de l’ubérisation, pourrait bien ne pas s’essouffler. Le salariat reculera et l’auto entreprenariat pourra encore gagner du terrain. Mais, ces pratiques se seront tellement banalisées que les termes qui ont fait florès dans les années 2000, seront oubliés. De nouvelles générations de jeunes et moins jeunes en tout cas, se convertiront temporairement ou définitivement à une activité touristique (surtout dans les campagnes et les villes en particulier) dès que la nécessité (surtout économique) s’en fera sentir. Et cela avec succès, puisqu’ils mettront au point des modèles originaux particulièrement appréciés par toutes les clientèles y compris lointaines, pressées de se démarquer des schémas habituels. Le phénomène sera sans doute devenu tellement massif que les opérateurs professionnels, soit se déchaineront contre cette concurrence, soit chercheront à l’imiter, ce qui ne manquera pas de créer une émulation particulièrement salutaire. Certes, l’innovation aura beau se banaliser, elle cachera parfois des dysfonctionnements que les autorités se trouveront dans l’obligation de surveiller de près. De nouveaux délits apparaîtront qu’il faudra contrer notamment sur le plan sanitaire. Mais, des formations seront proposées et elles marcheront plutôt bien.
Toujours aussi perfectionnés, les développements d’internet auront accéléré les circuits d’information, de réservation et auront permis de mettre en ligne une offre quasiment exhaustive. Le tout sur un mode simple qui fera du choix de vacances un jeu d’enfants…

Débats et controverses

Si, se reconvertir peu à peu en un « semi professionnel » du tourisme devient une expérience temporaire plaisante que beaucoup envisagent soit comme une roue de secours à un moment difficile de leur vie, soit de façon récurrente, pour le « fun » et l’argent, les questions à se poser sont les suivantes :

  • Quid de la qualité des prestations d’individus peu ou pas formés du tout aux métiers de l’hospitalité ? -Sont-ils soumis aux mêmes obligations que leurs concurrents professionnels notamment dans le cas des hébergements et des tables d’hôtes ?
  • Et surtout, cette économie parallèle est-elle de nature à augmenter ou à nuire au développement d’une économie de petits et moins grands opérateurs professionnels ?
  • Cette ubérisation va-t-elle détruire des emplois ?
  • Donc, doit-on la favoriser à des fins « durables » et tenter de la qualifier ou au contraire, doit-on la contrer ? Le législateur est-il bienvenu dans ce mouvement spontané lorsqu’il se propage dans des proportions raisonnables et acceptables ?
  • Ces nouveaux prestataires peuvent-ils servir l’économie locale et comment ?
  • Ne court-on pas le risque de créer un tourisme à deux vitesses : les « pros » d’un côté, les amateurs de l’autre ?

Shaping tomorrow’s tourism

La meilleure façon d’appréhender l’avenir consiste à changer de logiciel. Il conviendra de considérer que le secteur touristique n’est plus la chasse gardée de professionnels, de grands opérateurs et de grands investisseurs. Comme tous les secteurs, il sera de plus en plus ouvert à des acteurs parfois éphémères, apportant souvent une véritable valeur aux territoires où ils sont établis et non pas une concurrence. Le monde de demain sera bel et bien un monde où les métiers, les activités, les territoires seront mixtes ou « hybridés » pour reprendre la terminologie actuelle.

Changement climatique

Le changement climatique ne peut plus être nié d’autant que le nombre des catastrophes qui lui sont liées a progressé de 35% depuis les années 90. (Sources FICR). Pour la seule année 2020, on chiffre à 150 milliards de dollars les dommages provoqués par les 10 catastrophes les plus coûteuses dans le monde. Pire, on estime que 62% de la population française est exposée à des risques climatiques.
Pris en compte dans les politiques publiques, objet de multiples études, ce phénomène majeur doit faire l’objet de stratégies d’anticipation plus offensive de la part du secteur touristique. D’autant que l’opinion est demandeuse d’actes et affiche d’ores et déjà une forme de défiance vis à vis des concepts de tourisme durable, responsable, soutenable qui se sont popularisés sans pour autant inverser la tendance.

État des lieux

Les alertes concernant le changement climatique sont légions. Alors que 2020 s’inscrit d’ores et déjà comme l’hiver le plus chaud depuis un siècle, avec 2 degrés de plus en moyenne planétaire, les objectifs des accords de Paris ne seront pas atteints. C’est une certitude.
Autre certitude, l’impact du réchauffement de la planète n’est pas à court d’épisodes climatiques spectaculaires parmi lesquels typhons, tempêtes, sécheresses générant inondations et incendies sans précédent comme ceux enregistrés en Australie (2019), Californie (2019) mais aussi en Sibérie où les températures se sont envolées. Plus proches de nous, au Portugal, Espagne, Grèce et certaines régions de France, le constat est comparable. Selon Météo France, 50% des forêts métropolitaines risquent l’incendie en 2050. A tel point que l’ONERC (Observatoire National sur les effets du réchauffement climatique) fournit dès 2009 un verdict sans appel à partir de 6 indicateurs tous alarmants : La fonte des glaciers, la température de l’air, l’élévation du niveau de la mer, la date des vendanges, les migrations des oiseaux, l’exposition des populations aux risques climatiques.
Selon le rapport «Le climat de la France au 21e siècle » réalisé par Météo France, on observera en métropole dans un horizon proche (2021-2050) :

  • Entre 0,6 et 1,3°C (plus forte dans le Sud-Est en été),
  • À l’horizon 2100, le pire des scénarios fait état d’une hausse de 4°,
  • Une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, en particulier dans les régions du quart Sud-Est,
  • Une diminution du nombre de jours anormalement froids en hiver sur l’ensemble de la France métropolitaine, en particulier dans les régions du quart Nord-Est,
  • Un manque de 2 milliards de mètres cubes d’eau en 2050.

Parallèlement, il convient de noter l’extrême sensibilité de l’opinion par rapport aux problèmes environnementaux, laquelle estime à 53% qu’il est encore temps d’agir (enquête BVA pour la BEI. Janvier 2020). Mieux, dans son enquête sur les « utopies », l’ADEME constate que « l’utopie écologique » est aujourd’hui prédominante dans la société française : 55% contre 30% pour l’utopie sécuritaire et 15% pour l’utopie techno libérale.

Dernier point : la justice climatique se met en marche avec ardeur. Rappelons que suite au recours de la commune de Grande-Synthe (Hauts de France), le juge administratif a ordonné au Gouvernement de vérifier que sa
politique soit bien cohérente avec les objectifs climatiques. Une première ! L’association « L’affaire du siècle » a aussi obtenu gain de cause dans la procédure visant à responsabiliser l’état.

La loi « Climat et résilience »
Présentée le 11 février 2021 cette loi propose des mesures phares comme:

  • La création d’une étiquette climat ou « CO2-score », basée sur l’affichage environnemental, pour indiquer l’impact climatique des produits.
  • L’encadrement de la publicité dans leur commune par les maires.
  • La mise en place de zones à faibles émissions dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants avec des mesures d’accompagnement pour faciliter les déplacements :
    • Voies réservées au co-voiturage
    • Accélération de la transition du parc automobile
    • Développement de nouvelles mobilités urbaines
      décarbonées (vélo, bus électrique).

Vision 2040

  • Globalement, on peut imaginer que le calendrier des saisons touristiques sera bouleversé, notamment pour les régions qui seront les plus affectées : le Grand Est, le sud de la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie.
  • De son côté, la montagne menacée depuis longtemps par le manque d’enneigement au-dessous de 1800 mètres, a diversifié son offre mono produit pour intégrer hiver et été des activités de loisirs de plus en plus nombreuses : culture, gastronomie, sports divers, wellness (spas et activités de yoga, méditation, jeûne…).
  • D’ores et déjà, certaines stations de moyenne altitude se muent en stations climatiques où les populations urbaines iront changer d’air et prendre le frais pendant les fortes chaleurs.
  • Les vignobles pour leur part, dont la qualité des vins est affectée par une hausse des degrés, poussent les régions viticoles à adopter des mesures d’urgence pour arroser et vendanger de nuit ou opter pour des reconversions. L’œnotourisme qui totalise quelque 10 millions de clients perd du terrain dans les régions traditionnelles alors que la Cornouaille par exemple en gagne avec ses… champagnes !
  • Autre changement : les villes et campagnes situées en plaine où les canicules estivales deviennent de plus en plus fréquentes et intenses (Paris, Bordeaux…ont dépassé les 42 degrés cet été 2020) sont de moins en moins attractives en été.
  • Atteintes de surchauffe, les plages du sud pourraient être fréquentées de plus en plus tard dans la journée, voire la nuit, et selon un mode de circulation alternée. Le port des combinaisons protégeant contre le soleil sera rendu obligatoire…
  • Les prévisions météorologiques deviennent le premier critère de choix d’une destination. Avant le budget. Les assurances contre les intempéries se généralisent. L’héliotropisme en été bat de l’aile.

Débats et controverses

De tels constats ont certes déjà entraîné les collectivités à agir. Les régions en particulier ont inscrit la problématique du réchauffement climatique à leur agenda et d’ores et déjà déploient des efforts pour éviter aux cartes touristiques d’être bouleversées.
Mais, le secteur touristique a une particularité, il est à la fois victime et bourreau. Une dualité qui le contraint à agir sur ses propres émissions de gaz à effets de serre pour protéger la biodiversité et en même temps à se protéger.

Les grandes questions à se poser sont donc les suivantes :

  • Doit-t-on faire porter les efforts sur les opérateurs du tourisme (offre) ou sur les touristes eux-mêmes (la demande) ou sur les deux à égalité ?
  • Doit-on opter pour :
    – Une adaptation au phénomène ?
    – Un combat contre le phénomène (construction de protections, compensation des volumes de sable emportés…)
    – Une action de résilience permettant de réinventer les zones affectées en leur donnant une autre vocation ?
  • Doit-on opter pour :
    – des solutions technologiques ou des mesures traditionnelles : réglementations, rationnement, contingentement ?
    – ou pour les deux ?

Shaping tomorrow’s tourism

Dans un futur proche : on combat, on préserve on se protège avec des mesures traditionnelles : verdissement des villes, zones de rafraichissement, ouverture de nuit, développement accéléré des mobilités douces…

On calcule précisément l’empreinte carbone des équipements et activités touristiques.
Dans un moyen terme : les diagnostics climatiques doivent se généraliser et surtout devenir obligatoires.
Pour cela, les scientifiques de Météo France ont produit des simulations régionalisées de plus en plus fines (de 200 à 12 km). Celles-ci sont visibles sous la forme de carte sur : www.drias-climat.fr qui reprend l’ensemble des données existantes concernant l’impact du changement climatique en France.

Posséder ou jouir

Le temps de l’avoir est-il en train de se déliter au profit d’un temps de l’être où la propriété a perdu de son prestige et de sa fonction sociale ? A l’heure des grandes mutations, le secteur touristique comme tant d’autres, est concerné par un glissement de paradigme donnant toute sa force à la mutualisation des biens et des services touristiques.

État des lieux

Les privations de la guerre et de l’après-guerre auxquelles ont succédé les 30 glorieuses, sont une partie de l’explication. La production de masse et la mondialisation ont fait émerger une importante classe moyenne. En pesant sur les coûts de revient, elles ont fortement accru le pouvoir d’achat des baby-boomers. L’inflation des années 70, délitant l’épargne, et l’accès facilité au crédit, ont incité deux générations à prioriser l’avoir. Ce qui s’est traduit par une accumulation de biens, encouragée par la publicité et les références de la culture « mainstream ».

Les objets du quotidien envahissent les placards, se renouvellent ou s’entassent. Le zapping dans les pratiques sportives pousse à l’acquisition d’une nouvelle panoplie pour chaque nouvelle passion !
La voiture, ou plutôt les voitures, instrument de liberté – voire de séduction – autant que marqueur social, n’échappent pas à l’injonction sociétale consistant à en changer régulièrement.
Un constat similaire s’applique aux voyages. Les démocratiser a engendré une consommation excessive. Il faut avoir « fait » la Grèce, avoir fait l’Égypte, avoir fait le Machu Picchu, …
La résidence secondaire, autre expression de la réussite sociale, mais aussi valeur refuge de l’épargne (pas ou moins rognée par l’inflation), servie par des dispositifs fiscaux incitatifs, a connu un fort développement. L’acquisition d’une maison de campagne s’analyse aussi comme un rituel rassurant dans un monde en mouvement ; un repère fixe pour la préservation du cadre familial. Face aux incertitudes du lendemain, avoir rassure.

Là encore, l’impact du digital est considérable. Non seulement il permet une certaine personnalisation dans une production de masse mais il fluidifie l’expérience et la mise à disposition temporaire de biens et services, tout en dématérialisant l’intervention humaine. Mieux, le digital génère (et financiarise !) des services qui ne trouvaient pas leur modèle économique.

Les exemples sont nombreux ; le remplacement du stop par Blablacar, mais aussi tous les services « pair à pairs » qui mettent en relation des particuliers en désintermédiant des agents économiques traditionnels. Ainsi en est-il des applications qui permettent l’échange de maison, la location de voiture, de bateaux ou de matériel de bricolage entre particuliers.

Même constat pour les voitures, les skis, les tentes, les yachts, les vêtements d’apparat et même les oeuvres d’art qu’on empruntera pour un temps à des galeries spécialisées dans ce genre de commerce !

Enfin, soulignons l’incroyable évolution technique induite par le numérique qui dématérialise et évapore tous ces objets de loisirs que l’on s’employait à posséder ; chaines hifi, disques, magnétoscopes, DVD, appareils photos, bibliothèque, …

Le monde change. Même le discours « mainstream » relayé par les médias, la publicité et les réseaux sociaux, semble évoluer et prôner une quête de « care », de retour vers le mythe d’une « pureté originelle » dans laquelle l’être et le faire relèguent l’avoir dans les oubliettes d’une époque révolue. En fait, les acteurs économiques s’adaptent et proposent des services packagés dont la valeur d’usage rend obsolète l’acquisition du bien pour l’utilisateur. En témoigne l’exemple des constructeurs automobiles qui proposent moyennant un loyer forfaitaire, de mettre à disposition un véhicule, de l’entretenir, de l’assurer et de le remplacer ensuite.

Vision 2040

Dans 20 ans, vers quel paradigme aura-t-on évolué ? Un véhicule autonome, banalisé mais adapté à l’usage de la course, viendra directement se mettre à notre disposition pour nous transporter vers la destination de notre choix, avant de prendre en charge un autre passager. Les algorithmes d’un objet miniaturisé – certains se l’on fait implanter – anticiperont nos besoins et nos envies. Interagissant avec les objets connectés, ils aplaniront la plupart des aléas des voyages rencontrées 20 ans plus tôt. Ainsi la traduction simultanée, en temps réel, aura supprimé la barrière de la langue pour tous les voyageurs.
Autre certitude, l’homme nomade voyagera léger. L’acquisition de l’usage des services digitaux, devant des interfaces toujours plus conviviales et des utilisateurs bientôt tous « digital natif » ne sera plus un sujet. D’autant que, bien qu’on puisse le regretter, l’uniformisation des modes de vie sera l’inéluctable corollaire de cette emprise du digital.
Les packages dynamiques permettront demain plus encore qu’aujourd’hui, d’agréger des services sur mesure. Ils faciliteront toutes les mobilités, qu’elles soient professionnelles ou pour le loisir.

Pour en revenir aux résidences secondaires, seules certaines maisons de famille empreintes de nostalgie resteront dans le patrimoine de leurs propriétaires, en dépit des sujétions qu’elles entrainent. Les autres, seront-elles aussi mutualisées ; les avantages sans les inconvénients.
Imaginez par exemple, de vous rendre tout au long de l’année, un week-end (ou une semaine) par mois, dans une maison de village et de retrouver d’autres personnes occupant d’autres maisons alentours pour partager la culture d’un potager, l’entretien d’un vignoble et cuisiner ensemble ! Un service de conciergerie, véritable animateur de la communauté, assisté par une plateforme numérique aura préparé votre séjour en déposant vos bottes et les vélos de vos enfants devant la porte… pour vous permettre de vous sentir chez vous dans une maison personnalisée reproduisant les codes d’une résidence secondaire… avant de faire le ménage après votre départ et de la préparer pour une autre famille ; celle de la semaine suivante.
Entre les contraintes de la propriété de la résidence secondaire et l’expérience anonyme de la résidence de tourisme banalisée, une autre voie qui privilégie l’usage sur l’avoir aura démontré son efficacité.

Débats et controverses

Les injonctions contradictoires liées à ce sujet ne manquent pas. En dépit des crises diverses, la confiance dans l’État providence se diffuse auprès des nouvelles générations. Même si des incertitudes demeurent, globalement on fait confiance à la protection sociale pour prendre en charge notre santé et assurer notre retraite. Dès lors, n’est-il pas moins nécessaire de thésauriser ?

La mobilité professionnelle et géographique, le brassage urbain, voire l’anonymat des métropoles, permettent de s’affranchir du regard social. Les ménages recomposés sont normalisés et l’individualisme ne suscite plus de reproches. Dès lors, est-il utile de « tenir son rang » ?

Mais ce sont aussi les enjeux climatiques et la pression sur les ressources naturelles et la biodiversité qui suscitent une remise en question de notre mode de consommation. La réaction des générations montantes qui cherchent à emprunter une autre voie que celle de leurs parents, accentuera-t-elle donc la pression pour une consommation différente dans laquelle l’avoir est stigmatisé ?

La quête de l’ancrage quant à elle va-t-elle résister ? Devons-nous penser que, allégé de la sujétion que représente souvent la nécessité « d’amortir » sa résidence secondaire ou son bateau, l’individu va demain se lancer dans une consommation compulsive de voyages tous azimuts, d’autant plus fréquents que faciles à organiser ?
Rien n’est sûr. Non seulement en raison du souci de l’empreinte climatique mais aussi parce que le consumérisme relève davantage de l’avoir que de l’être. Enfin, dans un monde durablement en mutation, les amis, les valeurs familiales, le faire ensemble (la cuisine, les repas à la française, la fête, …) resteront des valeurs refuges.

L’appropriation d’un terroir, donner du temps au temps, l’autoproduction, l’envie d’une croissance sobre et durable ne seront-elles pas résolument des valeurs prisées par le plus grand nombre comme en témoignent dès à présent le succès du rétro et le retour du vintage ?

Shaping tomorrow’s tourism

La nouvelle modernité sera la combinaison des valeurs traditionnelles irriguées par les multiples possibilités du numérique. Le tourisme dans toute sa diversité en suivra les évolutions.
Nous pensons bel et bien qu’un socle de valeurs telles que la rencontre, le faire ensemble, l’émotion partagée… continueront de transcender l’inéluctable évolution sociétale. Concevoir et bâtir en s’appuyant sur ces valeurs restera la clé du succès durable du tourisme de demain.