L’hôtellerie de demain est un sujet récurrent sur lequel chacun entend s’exprimer à partir du moment où il est consommateur de nuits d’hôtels. Le sujet est pourtant plus touffu qu’il n’y parait et reste affaire de spécialistes. Chacun entend faire valoir la primauté de son expertise sur l’autre : les investisseurs et leur logique de long terme, les architectes décorateurs et leur vision esthétique, les opérateurs et leur vision opérationnelle, les banquiers et leurs covenants. Comment dès lors proposer une vision cohérente et apaisée d’un futur souhaitable pour le secteur hôtelier ?

État des lieux

Le secteur hôtelier regroupe des concepts très divers qui évoluent en fonction de leur nature et de leurs clientèles cibles. Il est indissociable de la question des mobilités dont l’évolution a structuré des générations de produits : auberges, grands hôtels urbains ou de villégiature, motels, hôtels d’aéroport…
Le parc hôtelier mondial compte environ 25 millions de chambres dont la majeure partie se trouve encore aux États-Unis et en Europe de l’Ouest. Les pays développés d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord concentrent encore la majorité de l’offre mondiale tandis que la Chine et le Moyen-Orient se développent plus rapidement que la moyenne mondiale et gagnent des parts de marché. La diversification géographique du développement s’est accélérée depuis une quinzaine d’années et s’accompagne de changements liés à l’émergence d’un monde désormais poly centré où l’adaptation locale est clé. Parallèlement, les marques hôtelières étendent leur emprise globale et représentent environ 40% du parc mondial. Une course au développement est donc à l’oeuvre. Depuis un an, elle se heurte à une crise inédite qui rebat les cartes. Mais pour combien de temps ?

Vision 2040

La créativité des professionnels étant sans limite, et de nouveaux besoins apparaissant tant du côté des professionnels que des opérateurs, l’hôtel pourrait bien afficher de nouveaux visages et s’établir sur de nouveaux territoires : sous la mer et sur la mer, dans les airs, éparpillés à travers villes et villages (les hôtels diffus), éphémères (le temps d’une grande manifestation), dans des immeubles de bureaux afin de répondre à un afflux de clientèles, et évidemment et toujours chez l’habitant. Pour autant, il obéira toujours à des impératifs indissociables de son essence même d’hébergement destiné à une clientèle nomade.

Débats et controverses

Sur le long terme, il fait peu de doute que l’hôtellerie est un secteur porteur d’avenir car il répond à une aspiration profonde des consommateurs. La question n’est donc pas de savoir si le secteur se remettra de la crise actuelle mais quand et comment. Nul ne maîtrise la question du quand tant elle est liée à l’évolution de la crise sanitaire et au développement d’une solution durable. La question du comment, quant à elle, peut être abordée à partir du postulat selon lequel la crise est un catalyseur de changement. Quelles sont alors les thématiques qui vont porter l’hôtellerie de demain ?

  • L’humain, encore et toujours : L’hospitalité est une idée à la fois moderne et vieille comme le monde. Elle se redécouvre aujourd’hui, moins qu’hier sous la forme de procédures d’exploitation, et davantage sur le savoir être. Ce talent peut être inné mais il s’apprend aussi. C’est pourquoi le secteur hôtelier évolue vers un style de service moins codifié, doublé d’un rapport plus humain avec ses clients comme ses collaborateurs auprès de qui de grands progrès restent à faire. Ce besoin d’hospitalité ne se limite pas au strict périmètre de notre secteur. Il s’étend aux métiers de services et aux secteurs connexes que sont la santé, le bureau ou le logement. C’est pourquoi l’hospitalité infuse déjà des compartiments de l’immobilier géré tels que le co-living, le senior-living, le student-living ou le co-working. Cette tendance préfigure d’autres hybridations possibles dans le domaine de la santé, du bien être ou développement personnel ou de la filière « agro-agri ».
  • Le local évidemment. L’emprise locale renforcée de l’hôtel est un enjeu nouveau pour la clientèle. Si de longue date l’hôtel était plutôt fréquenté localement pour des réunions ou évènements familiaux, il s’inscrit désormais de manière beaucoup plus diverse dans son environnement. Il devient un pôle de services et une locomotive culturelle. Ainsi, non seulement les bars et restaurants d’hôtels redeviennent désirables pour les résidents mais d’autres services extérieurs s’ouvrent tels que spas, fitness, caves, pâtisseries… La rationalisation des achats tend aussi vers plus de local voire vers la production intégrée, de légumes, de fruits ou de miel qui sont autant de signes d’un ancrage renforcé. Qu’il soit en ville ou ailleurs, l’hôtelier de demain sera proche du terrain et ancrera davantage son offre de service dans le territoire.
  • L’indispensable élégance : Imaginer que le client rejette la standardisation des hôtels est une idée aussi répandue que fausse. Ce que le client rejette c’est la froideur et la laideur mais jamais ce qui lui facilite la vie et qui lui garantit une promesse de régularité. La cohérence du design des hôtels est un point absolument clé. Mais attention ! Le design ne fait pas l’hôtel. Il est un parti pris esthétique qui traduit une intention, une promesse faite au client. L’exigence du beau est aujourd’hui plus précise et permet de distinguer les hôtels les uns des autres, les plus désirés de la masse de l’offre du marché. Elle ne se limite pas au luxe et est attendue partout de la part des consommateurs, surtout des plus jeunes. Aussi, le choix d’équipe de conception adaptée, tant en rénovation qu’en construction neuve est en enjeu fondamental de l’hôtel de demain.
  • L’intelligence technologique : La technologie se comprend comme un moyen et non une fin. Et c’est à la technologie de s’adapter au consommateur et non le contraire. Il ne s’agit pas pour autant de faire un procès en déshumanisation des hôtels de demain. Tout dépendra de l’usage et du niveau de service attendus. Les applications nouvelles sont légion comme la réception électronique ou le room service robotisé. Elles trouveront un terrain favorable chaque fois qu’elles donneront une plus-value d’usage au consommateur : moins d’attente, moins d’erreurs, un prix compétitif. Une application vertueuse des technologies pourrait consister à libérer du temps administratif pour le personnel pour le consacrer davantage à l’accueil et au confort des clients. C’est pourquoi les solutions technologiques à mettre en oeuvre doivent être pensées comme des facteurs de production venant traduire une offre de service codifiant la relation entre l’hôtel, ses clients et le personnel. D’ici là, l’impact de la technologie qui aura la plus forte emprise sur le secteur restera la distribution électronique et les avis qualitatifs en ligne.
  • Le besoin de responsabilité : Cela va mieux en le disant. L’hôtel de demain sera responsable et intègrera dès sa phase de conception les principes du développement responsable et notamment la prise en compte des éléments durables dans l’architecture de l’hôtel : matériaux recyclés ou « bio-sourcés ». Des choix techniques assumés permettront des économies d’énergie et de fluides en phase d’exploitation. Le sourcing des achats sera quant à lui soucieux d’éliminer le plastique, tandis que les process opérationnels limiteront les consommations : déchets alimentaires, papiers, cartouches d’imprimantes… Plus que la course aux labels dont la cohérence pose question, une prise en compte active et sincère des problématiques liées à la transition énergétique et climatique est un enjeu clé pour l’hôtel de demain. Ces thématiques sont devenues un élément central de la réputation des établissements hôteliers. Ils sont maintenant également regardés par les investisseurs dans le cadre de financement de projets tant en rénovation qu’en neuf.

Shaping tomorrow’s tourism

Chacun l’aura compris, l’hôtel de demain n’est pas un mais plusieurs. L’imaginer et le construire revient à faire des choix cohérents et rassembler une diversité de compétences inédites. Ceci sous tend une verticalisation des compétences, une répartition claire des rôles et une organisation en mode projet.

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