Digital et tourisme, opportunité ou menace ?
Les deux bien sûr !
Indissociables du secteur du divertissement, les écrans fixes et mobiles sont devenus les vecteurs les plus utilisés par les jeunes générations. Pour autant, les formes physiques du divertissement ne sont pas condamnées. A l’heure de la troisième révolution industrielle, celle du numérique, qui a tendance à assimiler voyage et divertissement – l’un et l’autre étant de plus en plus vécus derrière un écran ! – le bon dosage entre réel et virtuel semble l’avenir du loisir et du voyage.
État des lieux
Dès les premiers pas du numérique, musées, parcs à thèmes, patrimoine historique… l’ensemble du secteur a dégagé des budgets afin d’être accessible sur écrans fixes et mobiles. Il ne s’agissait pas de remplacer les établissements physiques par des établissements virtuels, mais d’enrichir la visibilité de l’offre, de la rendre accessible à un plus grand nombre et parfois de créer de nouvelles attractions à travers toutes sortes de nouveaux devices : réalité augmentée, applications, hologrammes, réalité virtuelle… permettant de combiner harmonieusement – ou pas – l’attrait de la nouveauté et le registre des émotions.
En témoignent le succès de l’art immersif (Les Atelier de Lumière) mais aussi les spectacles de cabaret ou de cirque comme ceux de Bouglione qui remplace ses fauves par des hologrammes. Ce qui lui permet par la même occasion de se conformer aux nouvelles législations concernant la défense de la cause animale.
Autre point, en hybridant les formes d’art, de sport, et le loisir traditionnel, le numérique engendre bel et bien un univers nouveau qui se traduit par une gamification généralisée. Ceux qui s’intéressent aux jeux vidéo (78 %
de Français les pratiquent) savent les qualités oniriques et artistiques de nombre d’entre eux. Du point de vue des publics, il est donc indéniable que cette nouvelle offre permet de satisfaire les utilisateurs les plus sensibles aux nouvelles technologies : enfants, adolescents, jeunes adultes. Tandis qu’il convient de souligner que les établissements on line ont réussi à attirer un public complémentaire qui, sur écrans, peut profiter de visites virtuelles de musées, châteaux, parcs, spectacles…
Mieux, quand le monde du loisir et de la culture a été à terre pendant les confinements successifs, les concerts, spectacles, expositions en ligne ont permis aux publics les plus addicts de ne pas rompre avec les artistes et professionnels du divertissement… A noter néanmoins que la facilité apportée par la mise à disposition en ligne d’oeuvres artistiques semble intéresser principalement un public déjà sensibilisé aux pratiques culturelles
académiques sans pour autant conquérir un nouveau public. Avant de se projeter vers le futur, faisons un rapide constat de la manière dont le numérique a modifié nos comportements :
- Aujourd’hui : « Je me suis rendu à l’autre bout du monde. Un reportage photo-vidéo, posté par un influenceur sur un réseau social, a retenu mon attention sur cette destination ».
- Dans l’ancien monde : Un documentaire sur une chaine du service public a suscité mon envie.
- Aujourd’hui : « J’ai surfé sur le net, consulté les avis sur les forums, visité sur Google Earth les spots recommandés, visionné sur YouTube les activités à ne pas louper. »
- Dans l’ancien monde : « J’ai pris mon tour dans une agence de voyage, échangé avec un vendeur, suis reparti avec une brochure et me suis rendu dans une librairie pour choisir un guide de voyage sur la destination. »
- Aujourd’hui : « J’ai choisi mon billet d’avion sur un comparateur en ligne, réservé mes hébergements en optimisant mon budget entre chaine hôtelière, hôtel de charme et Airbnb. Enfin j’ai réservé une voiture en profitant d’une promo. »
- Dans l’ancien monde : « J’ai pris rendez-vous avec l’agent de voyage et ensemble nous avons composé mon séjour selon mes désirs … et ses recommandations. »
- Aujourd’hui : « Sur place, depuis ma tablette connectée, j’ai ajusté mon programme suivant mes envies. »
- Dans l’ancien monde : « A l’office du tourisme, j’ai récupéré les informations pratiques et j’ai même pu réserver certaines activités. »
- Aujourd’hui : « J’ai fait des centaines de photos, dont beaucoup de selfies (!) que je pourrai consulter et partager tout le temps et n’importe où. »
- Dans l’ancien monde : « Je rapporte plusieurs pellicules que je vais faire développer et choisir celles que je vais tirer. »
Vision 2040
En 2040, dans le domaine du divertissement, les grands basiques du genre comme les grands parcs à thèmes sont loin d’avoir disparu du paysage. La première motivation de la visite d’un parc, celle de vivre en famille ou entre amis une expérience réellement partagée où chacun, quel que soit son âge, peut y prendre du plaisir, reste entière. Les parcs poursuivent une carrière certes parfois chaotique (à cause des aléas climatiques, terroristes, pandémiques…).
Ils restent aussi prisés par une clientèle férue d’exercice physique, de grandes émotions et de « fun » capable de soulager son stress. L’heure est toujours aux sensations fortes d’autant que la sédentarité menace la santé de nos sociétés.
Elle l’est même de plus en plus suivant les progrès de la technologie qui permettent de s’immerger dans l’univers des images, des sons, des odeurs et autres sensations physiques grâce aux simulateurs de dernière génération.
Bien sûr, nous pouvons aussi sans problèmes déambuler dans le temps, le passé, le présent et même le futur depuis notre destination. La traduction instantanée dans toutes les langues n’est plus un obstacle non plus à l’échange à distance avec un résident réel… ou virtuel. L’intelligence artificielle est au pouvoir et les robots se sont banalisés.
En matière de voyages, on ne voyage plus comme avant. Les city trips ont connu un ralentissement spectaculaire. On fait soit de longs voyages minutieusement préparés soit des escapades depuis notre canapé.
Les possibilités infinies du cyber voyage pallient en effet à leur façon les restrictions de déplacements imposées par les considérations sanitaires et environnementales. Chez nous, avec un casque VR – ou avec des proches dans notre espace immersif – on peut régler les conditions de vol et diriger un aéronef vers la destination de son choix.
On découvrira alors que le voyage aérien n’était plus un plaisir mais une succession de séquences contraintes, que nos hôtels ressemblaient à ceux de nos déplacements professionnels et que dans la rue se retrouvaient le même mobilier urbain, les mêmes enseignes de magasins et restaurants que dans ma ville.
Débats et controverses
L’emprise insidieuse du numérique monte en puissance, en même temps que nous apprenons à utiliser ses services. On voit déjà combien nous nous les sommes appropriés, au point que nous aurions beaucoup de mal à nous en passer.
L’utilisation du numérique est donc incontournable. A condition de ne pas céder aux sirènes du cyber-shoot dans lequel certains s’abiment au point de perdre le contact avec la réalité et de se vivre en héros agissant alimenter leurs phantasmes… et les asservir. Est-ce à dire que de manière inéluctable, les formes de loisir et de voyage, qui nous ont procuré du plaisir sont appelées à disparaitre ? Sans doute pas.
D’abord parce que la permanence des valeurs du partage des émotions, le besoin de rupture avec le quotidien… transcendent l’innovation technique.
Et puis, d’autres forces contraires, telles que la recherche d’une frugalité originelle vont rééquilibrer le fléau de la balance.
Ainsi, le futur du voyage est aussi celui du slow tourisme, celui du voyage lent de la randonnée pédestre, de la croisière en ballon dirigeable, ou de la croisière ferroviaire combinant tranquillement gastronomie et découverte des paysages et du patrimoine.
Digitalisés, tourisme et loisir sont donc durablement appelés à cheminer ensemble !
Shaping tomorrow’s tourism
Comme ce fut généralement le cas par le passé pour les diverses innovations, le numérique va continuer à générer de nouvelles pratiques qui vont coexister avec les anciennes. Celles-ci sauront se servir de celles-là pour s’adapter en retenant ce qui leur permet de perdurer et d’enrichir l’expérience qu’elles proposent.
Demain plus encore, au quotidien et pour ses loisirs, l’Homme sera confronté à son libre arbitre pour choisir ce qui l’épanouit sur son chemin de vie.
Pour adapter en permanence l’offre, il faudra s’efforcer d’identifier les tendances lourdes et les signaux faibles du secteur, pour les traduire en recommandations pratiques et contribuer à un avenir désirable.
Il faudra suivre également de près le développement et l’expérimentation de nouvelles technologies et ne pas hésiter à les préconiser quand elles se révèlent pertinentes.
Préserver le tourisme insulaire
Après la massification puis la diversification, irons-nous vers plus de protection des îles ?