Le changement climatique ne peut plus être nié d’autant que le nombre des catastrophes qui lui sont liées a progressé de 35% depuis les années 90. (Sources FICR). Pour la seule année 2020, on chiffre à 150 milliards de dollars les dommages provoqués par les 10 catastrophes les plus coûteuses dans le monde. Pire, on estime que 62% de la population française est exposée à des risques climatiques.
Pris en compte dans les politiques publiques, objet de multiples études, ce phénomène majeur doit faire l’objet de stratégies d’anticipation plus offensive de la part du secteur touristique. D’autant que l’opinion est demandeuse d’actes et affiche d’ores et déjà une forme de défiance vis à vis des concepts de tourisme durable, responsable, soutenable qui se sont popularisés sans pour autant inverser la tendance.

État des lieux

Les alertes concernant le changement climatique sont légions. Alors que 2020 s’inscrit d’ores et déjà comme l’hiver le plus chaud depuis un siècle, avec 2 degrés de plus en moyenne planétaire, les objectifs des accords de Paris ne seront pas atteints. C’est une certitude.
Autre certitude, l’impact du réchauffement de la planète n’est pas à court d’épisodes climatiques spectaculaires parmi lesquels typhons, tempêtes, sécheresses générant inondations et incendies sans précédent comme ceux enregistrés en Australie (2019), Californie (2019) mais aussi en Sibérie où les températures se sont envolées. Plus proches de nous, au Portugal, Espagne, Grèce et certaines régions de France, le constat est comparable. Selon Météo France, 50% des forêts métropolitaines risquent l’incendie en 2050. A tel point que l’ONERC (Observatoire National sur les effets du réchauffement climatique) fournit dès 2009 un verdict sans appel à partir de 6 indicateurs tous alarmants : La fonte des glaciers, la température de l’air, l’élévation du niveau de la mer, la date des vendanges, les migrations des oiseaux, l’exposition des populations aux risques climatiques.
Selon le rapport «Le climat de la France au 21e siècle » réalisé par Météo France, on observera en métropole dans un horizon proche (2021-2050) :

  • Entre 0,6 et 1,3°C (plus forte dans le Sud-Est en été),
  • À l’horizon 2100, le pire des scénarios fait état d’une hausse de 4°,
  • Une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, en particulier dans les régions du quart Sud-Est,
  • Une diminution du nombre de jours anormalement froids en hiver sur l’ensemble de la France métropolitaine, en particulier dans les régions du quart Nord-Est,
  • Un manque de 2 milliards de mètres cubes d’eau en 2050.

Parallèlement, il convient de noter l’extrême sensibilité de l’opinion par rapport aux problèmes environnementaux, laquelle estime à 53% qu’il est encore temps d’agir (enquête BVA pour la BEI. Janvier 2020). Mieux, dans son enquête sur les « utopies », l’ADEME constate que « l’utopie écologique » est aujourd’hui prédominante dans la société française : 55% contre 30% pour l’utopie sécuritaire et 15% pour l’utopie techno libérale.

Dernier point : la justice climatique se met en marche avec ardeur. Rappelons que suite au recours de la commune de Grande-Synthe (Hauts de France), le juge administratif a ordonné au Gouvernement de vérifier que sa
politique soit bien cohérente avec les objectifs climatiques. Une première ! L’association « L’affaire du siècle » a aussi obtenu gain de cause dans la procédure visant à responsabiliser l’état.

La loi « Climat et résilience »
Présentée le 11 février 2021 cette loi propose des mesures phares comme:

  • La création d’une étiquette climat ou « CO2-score », basée sur l’affichage environnemental, pour indiquer l’impact climatique des produits.
  • L’encadrement de la publicité dans leur commune par les maires.
  • La mise en place de zones à faibles émissions dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants avec des mesures d’accompagnement pour faciliter les déplacements :
    • Voies réservées au co-voiturage
    • Accélération de la transition du parc automobile
    • Développement de nouvelles mobilités urbaines
      décarbonées (vélo, bus électrique).

Vision 2040

  • Globalement, on peut imaginer que le calendrier des saisons touristiques sera bouleversé, notamment pour les régions qui seront les plus affectées : le Grand Est, le sud de la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie.
  • De son côté, la montagne menacée depuis longtemps par le manque d’enneigement au-dessous de 1800 mètres, a diversifié son offre mono produit pour intégrer hiver et été des activités de loisirs de plus en plus nombreuses : culture, gastronomie, sports divers, wellness (spas et activités de yoga, méditation, jeûne…).
  • D’ores et déjà, certaines stations de moyenne altitude se muent en stations climatiques où les populations urbaines iront changer d’air et prendre le frais pendant les fortes chaleurs.
  • Les vignobles pour leur part, dont la qualité des vins est affectée par une hausse des degrés, poussent les régions viticoles à adopter des mesures d’urgence pour arroser et vendanger de nuit ou opter pour des reconversions. L’œnotourisme qui totalise quelque 10 millions de clients perd du terrain dans les régions traditionnelles alors que la Cornouaille par exemple en gagne avec ses… champagnes !
  • Autre changement : les villes et campagnes situées en plaine où les canicules estivales deviennent de plus en plus fréquentes et intenses (Paris, Bordeaux…ont dépassé les 42 degrés cet été 2020) sont de moins en moins attractives en été.
  • Atteintes de surchauffe, les plages du sud pourraient être fréquentées de plus en plus tard dans la journée, voire la nuit, et selon un mode de circulation alternée. Le port des combinaisons protégeant contre le soleil sera rendu obligatoire…
  • Les prévisions météorologiques deviennent le premier critère de choix d’une destination. Avant le budget. Les assurances contre les intempéries se généralisent. L’héliotropisme en été bat de l’aile.

Débats et controverses

De tels constats ont certes déjà entraîné les collectivités à agir. Les régions en particulier ont inscrit la problématique du réchauffement climatique à leur agenda et d’ores et déjà déploient des efforts pour éviter aux cartes touristiques d’être bouleversées.
Mais, le secteur touristique a une particularité, il est à la fois victime et bourreau. Une dualité qui le contraint à agir sur ses propres émissions de gaz à effets de serre pour protéger la biodiversité et en même temps à se protéger.

Les grandes questions à se poser sont donc les suivantes :

  • Doit-t-on faire porter les efforts sur les opérateurs du tourisme (offre) ou sur les touristes eux-mêmes (la demande) ou sur les deux à égalité ?
  • Doit-on opter pour :
    – Une adaptation au phénomène ?
    – Un combat contre le phénomène (construction de protections, compensation des volumes de sable emportés…)
    – Une action de résilience permettant de réinventer les zones affectées en leur donnant une autre vocation ?
  • Doit-on opter pour :
    – des solutions technologiques ou des mesures traditionnelles : réglementations, rationnement, contingentement ?
    – ou pour les deux ?

Shaping tomorrow’s tourism

Dans un futur proche : on combat, on préserve on se protège avec des mesures traditionnelles : verdissement des villes, zones de rafraichissement, ouverture de nuit, développement accéléré des mobilités douces…

On calcule précisément l’empreinte carbone des équipements et activités touristiques.
Dans un moyen terme : les diagnostics climatiques doivent se généraliser et surtout devenir obligatoires.
Pour cela, les scientifiques de Météo France ont produit des simulations régionalisées de plus en plus fines (de 200 à 12 km). Celles-ci sont visibles sous la forme de carte sur : www.drias-climat.fr qui reprend l’ensemble des données existantes concernant l’impact du changement climatique en France.

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