Depuis ces deux dernières décennies, les épidémies se sont succédé à un rythme accéléré et ont profondément affecté le secteur du tourisme. Mais, les pandémies ne constituent pas les seules menaces sanitaires : pollution de l’air, de l’eau, de la nourriture… font grimper les demandes de sécurité d’un touriste soucieux de préserver son bien le plus précieux : sa santé.
Amplifiées par la crise du Covid, ces peurs méritent d’être prises au sérieux et de faire l’objet d’une vigilance et anticipation accrues.

État des lieux

Sans remonter au Moyen-Âge, les exemples d’épidémies sont légion. Pour ne citer que les dernières : notons le SRAS (ou syndrome respiratoire aigu sévère) qui a touché plus de 8 000 personnes au début des années 2000
et a fait 774 morts à travers le monde.
Ensuite, en 2009, ce fut le tour du virus H1N1 causant plus de 18 000 morts dans 213 pays (selon l’OMS). Puis vint Ébola enrayé seulement en 2018 et enfin le Covid 19 qui a touché quelque 130 millions de personnes dans le monde et en a tué quelque 2.3 millions (au 8 février 2021).
Ce qui ne doit pas faire oublier d’autres virus comme celui du chikungunya qui circule entre autres dans plus de 20 départements français et aux Antilles.

Sur le plan économique, les prévisions de l’OCDE font état d’un repli du PIB mondial de 4,5 % cette année avant un rebond de 5 % en 2021. Pour la France, le recul s’établirait à 9,5 % en 2020.

Bien d’autres maux liés à la pollution de l’eau (rivières, lacs et océans), de l’air intérieur et extérieur, sont régulièrement dénoncés par les associations de défense de la nature et par les médias. Désormais, les maires prennent donc de plus en plus souvent des arrêtés contre les pesticides, ouvrant une guerre larvée entre agriculteurs, habitants et parfois touristes. De plus, la très forte médiatisation des risques liés à la consommation alimentaire contribue pour sa part à généraliser des comportements de défiance vis-à-vis de la nourriture consommée à domicile et hors-domicile.

Une étude du Credoc datant de 2018, indique que 74 % des Français pensent qu’il existe des risques alimentaires, contre 55 % en 1995. La viande est particulièrement concernée.

Par ailleurs, l’état psychologique des voyageurs dont 27% (Baromètre Europ Assistance 2019) se plaignaient de problèmes de santé en voyage avant la pandémie, risque d’encore se dégrader et de renforcer l’exigence de sécurité sanitaire.

Dans un sondage Ipsos/Cevipof, on apprend que la préoccupation n°1 des Français c’est la peur sanitaire. (49% les personnes interrogées). Préoccupation n°2 : la peur économique et sociale.

Dans ce contexte, le tourisme domestique plus rassurant est devenu le grand gagnant de la pandémie dans la majorité des pays.

La nouvelle édition du Baromètre d’EuropAssistance, un incontournable depuis 19 ans, qui a également l’intérêt de sonder les principales motivations des voyageurs européens, brésiliens et nord américains, fournit un hit-parade intéressant dans le domaine des craintes des vacanciers. Que redoutent-ils le plus ? – Les risques d’attentat : 42%. Les risques sanitaires : 38%. Les risques d’attaques personnelles : 38%. Les risques d’attaques par un virus : 32%. Les risques de troubles sociaux : 29%, et enfin les risques de catastrophes naturelles : 28%.

Vision 2040

Dans 20 ans, où en sera-t-on ? Selon un scénario pessimiste, la multiplication des « variants » du Covid 19 ayant prolongé la pandémie de 2020, les nouvelles alertes seront prises au sérieux et combattues à temps.

  • Mais, les touristes, d’où qu’ils viennent, seront désormais en possession de pass-sanitaires dûment mis à jour, afin de traverser la plupart des frontières de la planète. A l’intérieur même de certains pays, un carnet de santé (sous la forme d’un objet connecté) sera exigé pour aller au théâtre ou au concert et restaurant. De toutes façons, l’anonymat ne sera plus de règle.
  • Quand on prendra son billet, on donnera sa « carte sanitaire » qui renfermera des informations sur l’état de santé du porteur. Les données médicales seront vendues à prix d’or à des assureurs qui auront tous inclus de nouvelles offres dans leurs polices d’assurance.
  • Stations, plages, villes touristiques… auront créé des observatoires de santé et des centres médicaux ouverts 24/24 assurant une couverture sanitaire totale. Les territoires publieront une météo sanitaire. Les guides, sites et magazines de voyages consacreront des rubriques de plus en plus denses aux alertes sanitaires.
  • De leur côté, les protocoles sanitaires de plus en plus sophistiqués seront devenus obligatoires pour tous les acteurs d’un tourisme dont la bonne santé fluctuera au rythme de la bonne santé climatique, économique et sanitaire de la planète. Les vérifications des prestataires touristiques par des agences spécialisées feront florès. Le port du masque sera contesté mais banalisé à chaque nouvelle alerte.
  • Gares, aéroports et autres lieux de transit seront soumis à des désinfections exhaustives
    utilisant de nouveaux produits. Les portiques capables de déceler les individus porteurs d’une maladie se seront généralisés. Restaurants et bars sont de plus méticuleusement contrôlés. Le ministère du tourisme pourra être intégré au ministère de la Santé.

…Mais, par ailleurs, on observera de la part des populations les plus conservatrices et frileuses, une tentation de retrait par rapport aux déplacements touristiques. Devenus trop risqués, les voyages feront moins rêver. Le tourisme international stagnera peut-être par moment. Ce qui contribuera à supprimer les poches de surtourisme !

Débats et controverses

Une fois répondu positivement à la question : y aura-t-il de nouvelles crises sanitaires (épidémiques ou non), les interrogations à formuler sont :

  • Avec quelle fréquence et avec quelle intensité se produiront ces crises ?
  • Pourra-t-on les anticiper ? Et surtout, pourra-t-on, dans le secteur du tourisme, les combattre avec des armes efficaces ?
  • De plus, ces armes prendront-elles la forme de stratégies locales, régionales ou nationales ? Ou les trois à la fois ? A moins qu’il ne s’agisse de stratégies internationales ?
  • Seront-elles obligatoires pour tous les opérateurs privés et publics ?
  • Parallèlement, la défense de la cause sanitaire ne va-t-elle pas induire la création d’un excès de labels sanitaires prenant en compte toutes les dimensions des dangers courus, à l’image du Pavillon Bleu pour le littoral ?
  • Va-t-elle aussi créer une nouvelle carte touristique avec des destinations « bonnes élèves », des destinations très prudentes et fermées, des destinations trop ouvertes, des destinations offrant de vacciner et de soigner leurs clients, des destinations mettant en valeur leur démographie médicale ?
  • On peut aussi se demander comment l’offre de bien-être et de thermalisme pourra évoluer ? Quid du tourisme médical ? Va-t-il renouveler ses prestations aujourd’hui dominées par des prestations d’esthétique (implants capillaires, dentaires, amaigrissement…) ?

Shaping tomorrow’s tourism

Le secteur touristique, dans son ensemble, devra se doter de stratégies capables d’être déployées en urgence en cas de menaces sanitaires de toutes sortes, affectant l’homme ou l’animal. Tout nouveau projet d’envergure devra comporter un volet sanitaire produit par les services des agences de santé.
Un budget spécifique devra être consacré aux protocoles sanitaires devenus indispensables. En fait, comme le terrorisme a introduit la mise en place de nouvelles mesures de sécurité dans les lieux de transit, notamment les aéroports, les menaces vont dicter de nouvelles obligations sanitaires pour les territoires qu’il faudra envisager au cas par cas, en fonction du contexte.

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