Les mobilités sont le principal catalyseur de l’activité touristique. A chaque étape de l’évolution des mobilités, de nouvelles formes de tourisme sont apparues : le charbon a permis le train et le paquebot qui ont ouvert la voie à un tourisme élitiste, le pétrole a engendré l’automobile et le jet intercontinental qui ont rendu le tourisme accessible à tous. A l’heure de la transition énergétique le « tout voiture » et l’avion sont régulièrement pointés du doigt. Leur sont opposés les mobilités douces dont l’impact n’est pas encore pleinement ressenti sur les territoires touristiques. Quels sont dès lors les enjeux liés à ces nouvelles mobilités pour les territoires et quels bénéfices peuvent-ils en retirer ?

État des lieux

La mobilité touristique présente des enjeux économiques et environnementaux très importants et influe sur l’attractivité d’un territoire, à la fois pour les touristes et pour ses résidents. Ce n’est pas un hasard si, historiquement, les plus grandes étapes gastronomiques françaises se sont concentrées sur l’axe Paris-Méditerranée, épousant en cela le tracé de la mythique nationale 7. Elles sont aussi signalées depuis 1900 par le non moins mythique guide Michelin.

Aujourd’hui, plus de 80% des Français utilisent en effet leur voiture pour se rendre sur leur lieu de vacances ou pour un week-end. Selon l’INSEE, le budget moyen annuel alloué à l’automobile représente 4300 € par ménage et comprend l’ensemble des coûts induits : entretien, carburant, réparations, assurance, stationnement, péage… Outre son coût, ce mode de déplacement archi dominant pour le tourisme familial est aujourd’hui remis en cause pour son impact environnemental et ses nuisances visuelles et sonores pour les territoires. À titre de comparaison, voyager en TGV, c’est émettre 50 fois moins de CO2 qu’en voiture et 80 fois moins qu’en avion.

A cette tendance se combine un intérêt pour de nouvelles solutions de mobilité qui épousent aussi les thèses du slow tourisme. Il s’agit non plus de se rendre d’un lieu de résidence à un lieu de séjour le plus rapidement possible, mais plutôt de partir à la découverte d’un territoire, peut-être aussi de renouer avec des imaginaires lointains : la nature, la rivière, le village, le vignoble, la gastronomie. On rappellera la floraison de toutes sortes de « routes » thématiques : vins, églises, moulins, fontaines… et les grandes vélo routes de plus en plus populaires traversant la France et une partie de l’Europe. On pourra évoquer aussi les circuits organisés avec ânes de bât dans les Cévennes sur les traces de Robert Louis Stevenson, les balades en roulottes, l’attrait renouvelé pour les itinéraires historiques comme les routes de Saint-Jacques de Compostelle, les randonnées mythiques comme le GR20 en Corse ou la descente en Kayak de la Vézère.

Vision 2040

Dans les 20 ans qui viennent, il ne fait guère de doute que les mentalités auront changé et que les voyages express appartiendront à une époque où le gain de temps dominait largement la consommation. Alors que le pouvoir d’achat aura baissé en partie à cause des factures énergétiques, que les préoccupations santé et environnement seront de plus en plus prégnantes, que le rapport à l’automobile sera de plus en plus questionné, le tourisme (au sens du Grand tour) aura retrouvé sa vocation première : la découverte. Faire du tourisme, ce sera faire un voyage, si possible sur des itinéraires originaux et grâce à des moyens de transport doux, permettant d’apprécier la découverte. Vélo, cheval, kayak, randonnée pédestre…
Après la vitesse, l’activité touristique aura renoué avec sa vocation contemplative voire introspective. Mais pour une partie seulement de la population alors que d’autres continueront à privilégier le voyage point à point plutôt que l’itinérance.

Débats et controverses

Le renoncement à la construction du Terminal 4 de Roissy Charles de Gaulle dans sa configuration initiale est un signe fort, de même que l’idée de rompre avec le tout TGV par la relance des trains Intercités. La question du comment atteindre le lieu de séjour depuis mon domicile demeure et, on le voit, se double de questions nouvelles portant sur le choix même de la destination et l’impact carbone du moyen de transport utilisé pour s’y rendre. Il est donc vraisemblable que les destinations proches, donc le tourisme intérieur, vont connaître un regain.
Les principaux griefs portés à l’accès aux territoires par les mobilités douces se résument comme suit :

  • L’insuffisance de dessertes générales/ de niveau de service,
  • Le manque de qualité ou de fiabilité du service de transfert entre la gare la plus proche et la destination,
  • Le peu d’accessibilité des territoires ruraux,
  • Les amplitudes horaires insuffisantes des services de transport,
  • Les liaisons peu satisfaisantes entre les différents modes de transport,
  • Le manque de fluidité dans la chaîne de mobilité et le temps de trajet total excessif,

Pourtant, selon l’Ademe, les difficultés et contraintes d’utilisation des transports en commun pour atteindre les destinations rurales sont souvent surestimées. Il y a donc un besoin d’information et d’organisation qui sera d’autant plus soluble qu’il y aura une hausse des volumes de demande.
Reste donc la question du comment se déplacer durant le séjour ou encore, de faire du séjour une itinérance. A ce titre, il ne faut pas sous-estimer les freins psychologiques qui perdurent s’agissant d’un passage aux mobilités douces :

  • Le manque de volonté ou de détermination du client,
  • L’appréhension de l’inconnu ou des incertitudes  concernant un nouveau de mode de mobilité,
  • L’attachement à la liberté / flexibilité que représente la possession de sa voiture personnelle,
  • La spécificité de certains segments très populaires du tourisme itinérant comme les rallyes de voitures anciennes ou les clubs de marques automobiles (Porsche, 2 CV…) ou de motos (Harley-Davidson, Vespa…). Et que dire des camping-cars ?

Nous comprenons donc bien que le sujet des itinérances s’appréhende dans sa complexité et non avec dogmatisme. D’où les points de réflexion qu’il convient d’appréhender de manière pragmatique parmi lesquels :

  • S’interroger sur le tarif trop élevé de certaines solutions de transport collectif pour les familles comme alternatives à la voiture individuelle,
  • Développer l’incitation auprès du client sur des solutions de transport disponibles,
  • Opérer une diffusion élargie de l’information auprès des clients et faciliter les modalités d’accès à l’offre,
  • Prévenir la compilation excessive voire confuse des informations des différents moyens de transport,
  • Régler les détails pratiques tels que le portage des bagages entre les étapes.

Shaping tomorrow’s tourism

La particularité des itinéraires touristiques est que leur structuration requiert la mobilisation de nombreux acteurs territoriaux dont les intérêts ne sont pas forcément alignés. Ceci rend difficile face à la complexité du contexte administratif français de dupliquer l’idée de la mythique route américaine 66 en France autour d’une Nationale 7 ré-enchantée formant l’épine dorsale des flux du Nord de l’Europe vers la Méditerranée.
S’agissant des routes où une préoccupation légitime de sécurité a remplacé l’ombre des platanes par des rails de sécurité, les nouvelles itinérances invitent à repenser le réseau routier avec une préoccupation esthétique portant sur le mobilier urbain (les atroces rond points thématiques !) et la re-végétalisation. Ces éléments seront des facteurs clés pour réamorcer une offre touristique de « pays ». Il se pourrait bien que les trains de nuits, à l’image des grands trains de luxe aient repris du service et redonnent leur glamour aux voyages ferroviaires, tandis que les TER remis en marche (et électrifiés en totalité) dans quelques régions permettront de desservir les petites gares… Très diverse, la France jouera d’autant mieux cette carte qu’elle propose un paysage très « scénique ».
On voit donc bien que le tourisme offre une capacité à se réinventer. Il est aidé en cela par l’évolution des technologies et des comportements. Les mobilités du futur appellent donc à des itinérances nouvelles et à un imaginaire retrouvé. C’est donc un défi qui est lancé aux aménageurs et aux animateurs des territoires.

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